Le Dieu-Fauve est le surnom donné à un singe dressé pour le combat : meurtri, violenté, conditionné pour laisser exploser sa rage et sa brutalité contre ses adversaires. Il est le fil rouge sang de cette histoire, qui se situe dans une Afrique orientale indéterminée, qui se déploie autour du destin de quatre personnages. Le singe, donc, attrapé au sein de sa tribu décimée. Un poète, qui lutte pour sa survie avec ses mots et sa foi en son prochain. Sa tortionnaire, chef de guerre qui espère se sauver dans la brutalité. Et la figure inattendue du renversement de l’ordre établi, porteuse, peut-être, d’un embryon d’espoir…

Dans cette tragédie en quatre actes, Fabien Vehlmann explore la source de la violence et de cette force qui pousse les hommes à se faire du mal jusqu’à l’annihilation. Plus sombre que jamais, le scénariste de Seuls, Jolies Ténèbres ou Le Dernier Atlas provoque le lecteur en suggérant que raconter des histoires ne sert finalement à rien, s’il ne reste plus personne pour les écouter. Mais, évidemment, son album aux dimensions d’opéra funèbre est bien plus subtil, semant des pistes d’espérance ténue, imaginant des personnages complexes et mouvants, autour de cette figure animale qui ne semble avoir gardé que le pire des humains, enfermé dans leurs geôles. Sur cette narration originale et savamment posée, le dessinateur espagnol Roger déploie un dessin réaliste puissant et envoûtant, aussi impressionnant dans les clairs-obscurs que bouleversant dans les déferlement de violence. Un des grands albums de 2024.