Le Dieu vagabond
Au milieu de son champ de tournesols, le long d’une route arpentée par des prostituées, Eustis a tout l’air d’un marginal. Un clochard mi-céleste mi-poivrot, qu’on paie en bouteille de vin en échange d’une prophétie. Mais que pourrait-il faire d’autre, déprimé comme il est ? Car Eustis est un satyre, renvoyé du monde des dieux pour une offense envers une nymphe, coincé sur la terre des hommes pour toujours. Sauf s’il accepte de rendre service à Hécate, qui mettra alors fin à sa malédiction…
Voilà une fable philosophique lumineuse et originale que propose l’Italien Fabrizio Dori. L’auteur de Gauguin, l’autre monde s’empare avec humour d’une figure mythologique mal connue et souvent caricaturée, le satyre, pour en faire un personnage en quête de rédemption. Qui espère retrouver sa place dans le monde, un monde de plaisir et de douceur. Certainement pas la terre des hommes ! Enfin, a priori. Car il va devoir, au gré de ses rencontres et de ses différentes épreuves, comprendre un peu mieux les rêves et aspirations des mortels, étape indispensable pour résoudre sa propre quête. Sur un ton tantôt badin, tantôt onirique, Fabrizio Dori brosse un voyage drôle et enlevé, peuplé de personnages incongrus et malicieux. Mais c’est surtout par son dessin qu’il impressionne. Fort d’un trait fin et expressionniste et d’une palette de couleurs chatoyante, il convoque ouvertement Egon Schiele, Otto Dix, Vincent Van Gogh, mais jamais dans l’esprit d’un hommage figé aux grandes figures de la peinture moderne. Chez lui, cet héritage pictural est un émerveillement, en même temps qu’un réservoir de ressorts pour son scénario. Il multiplie même les clins d’oeil à l’histoire de l’art, de Hokusai à Warhol en passant par Chirico, Max Ernst ou Winsor McCay. Car le destin de son satyre, en tout cas sa quête de postérité, passera aussi par l’art… Alors, n’hésitez pas à faire un bout de route avec ce Dieu Vagabond, vous en prendrez plein les yeux.
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