Le Disciple de Doraku #1-2
«Le rakugo, c’est des papis qui portent de beaux kimonos et qui disent des trucs rigolos» ! Voilà comment Shota, 26 ans, perçoit l’art japonais du conte humoristique. Emmené de force dans un théâtre traditionnel, il n’imaginait pas que la performance du maitre Doraku l’émouvrait à lui en faire perdre les mots. C’est décidé. Il fera tout pour devenir son disciple.
Il fallait être fou pour traduire un manga sur le rakugo ! Difficile, en effet, de présenter au public francophone cet univers vieillot, pétri de codes sibyllins et de jeux de mots typiquement nippons. Mais il faut croire qu’impossible n’est pas Isan : la volumineuse édition française, bien adaptée et archi documentée, offre toutes les clés nécessaires. Elle permet ainsi, en douceur, d’apprécier cette forme de spectacle si différente des conceptions occidentales. Car à l’inverse de l’épate du stand-up, le rakugo est une discipline minimaliste, humble et cérémoniale, qui se base avant tout sur le pouvoir de suggestion. Tout le génie du conteur, à genoux sur un coussin, étant de créer l’illusion du décor et des personnages (issus des temps anciens, toujours) à l’aide d’un éventail et d’un carré de tissu. Excellent narrateur, Akira Oze parvient à capturer tout le sel de cet art : en enchâssant les conteurs eux-mêmes dans les histoires qu’ils déclament, le mangaka nous fait ressentir les ivresses de la scène. Celle de l’artiste, possédé par son jeu. Celle du spectateur, entraîné hors de l’espace et du temps.
Le Disciple de Doraku est aussi la peinture d’un certain quotidien tokyoïte, celui du spectacle traditionnel. Avec ce qu’il implique de dévotion à l’art, de précarité matérielle… et de soumission absolue. Dans ce monde, l’apprentissage passe par la réprimande et le maître a toujours raison ! Même quand il a tort… Si cet aspect pourra déranger, on s’attache vite au milieu du rakugo, à ces personnages très justes et à ce charmant dessin qui rappelle l’Urasawa des débuts. Plongé dans cette ode à l’imagination, c’est avec plaisir qu’on continuera de lire l’apprentissage de Shota. De se laisser aller, pris par les mots, à regarder les marchands traverser les ponts de la vieille Edo.
DORAKU MUSUKO © 2011 Akira Oze / Shogakukan
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Excellente série ! Un vrai plaisir à lire.
Vivement la suite ! Une idée de date de sortie ?
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