Le Droit du sol
Étienne Davodeau a établi un plan répondant à plusieurs de ses aspirations et intuitions : sur l’idée de la trace laissée par l’Homme sur sa planète, il décide de rallier à pied la grotte de Pech Merle et ses peintures rupestres au futur site d’enfouissement de déchets nucléaires à Bure. Quelque 800 km pour se retrouver face à lui-même et ) son corps, interroger son propre rapport à la terre, à la Terre même, et celui des sapiens à leur lieu de (sur)vie.
En spécialiste de la bande dessinée de dialogue documentaire, Étienne Davodeau avait dépassé l’écueil de la BD de gens qui parlent autour d’une table avec le formidable Les Ignorants. Dans ce nouveau livre, il opte pour un original double récit : la voix off introspective du marcheur qui commente les paysages et les sensations liées à cette longue randonnée, tout en révélant le fruit de ses recherches historiques, politiques et scientifiques ; et les interviewes reconstituées, en convoquant sur le sentier des témoins au discours édifiant – chercheurs, militants… – qu’il a interrogés avant ou après sa marche. Le procédé fonctionne plutôt bien, et évite l’ennui d’une plate BD d’entretiens. Un peu comme il l’avait fait avec Benoît Collombat pour Cher pays de notre enfance, en alternant rencontres, reconstitutions et coulisses de l’enquête. Mais contrairement à cet album, fruit d’un méticuleux travail journalistique, Le Droit du sol assume une posture partisane, ne cherchant pas à entendre les défenseurs de la filière de retraitement des déchets nucléaires, ni les politiques ou les responsables de la pression policière et judiciaire vécue par les citoyens engagés contre le projet d’enfouissement. Cela frustrera les amateurs de documentaires équilibrés, mais ravira les lecteurs qui aiment la facette intime du travail d’Étienne Davodeau, qu’il explore ici avec une simplicité et une efficacité – dans le trait comme dans la mise en scène du discours – qui n’ont jamais paru aussi grandes.
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