Le Frémok vous invite à Frandisco et au Grraaou
Quoi de neuf au Frémok ? La réédition de l’essentiel Vivre à Frandisco et une curieuse nouveauté, Le Grraaou.
Le Frémok réédite ce qui fut son plus beau livre en 2016, Vivre à Frandisco. Une promenade onirique dans la ville imaginée par Marcel Schmitz, artiste trisomique, où l’on croise des enfants de chœur, des frites vivantes et même l’effeuilleuse de Tchernobyl Mézières ! Des vies d’habitants inscrites dans une architecture bancale à même de réinventer le réel à partir du rêve. Soit une utopie de bande dessinée car, rappelons-le, Marcel Schmitz a imaginé une vraie ville faite de scotch et de carton qu’il a lui-même réalisée (exposée depuis quelque temps) et c’est Thierry Van Hasselt, fasciné par cet imaginaire qui, en « docu-mentaliste », a investi cette utopie pour lui fournir ses propres représentations mentales.
Le résultat, une ligne brisée, aérienne et fragile, et une bouleversante BD sans texte. La ville se construit sous nos yeux, ses habitants la pratiquent sur un mode fantasque, comme un dialogue entre deux âmes en recherche. Les couleurs finissent par éclabousser la totalité des pages, comme un rêve à portée de main. Dans cette réédition, on goûtera aussi les notes en fin d’ouvrage, sorte de making of du projet, intitulées Textes d’une conférence chantier nous invitant au voyage à Frandisco, sans oublier une playlist de circonstance. Un beau livre, rare et donc chaudement recommandé.
Vivre à Frandisco. Par Marcel Schmitz et Thierry Van Hasselt. 192 p., 29 €.
Autre livre au Frémok, celui d’Étienne Beck et Jonvon Nias, rageusement titré Le GRRAAOU. Dans ce road-movie rural et porno, les deux auteurs narrent les aventures de Jum et Gilles, jeunes, beaux et forts, en quête de partage et d’environnement sain. Pour décor, le Grraaou donc, le Grand Réseau Révolutionnaire d’Amateurs Aimables d’Ouvertures Utiles. Un principe simple, travailler dans des fermes biologiques contre le gîte, le couvert et plus si affinités. Mais voilà, Jeanne-Morue va un beau jour troubler la douce amitié qui unit Jum et Gilles… Derrière la facétie potache et porno ou le clin d’œil à Truffaut, Le Grraaou soulève la question des alternatives au matérialisme ambiant et interroge un idéal de pacotille, l’avoir.
Intéressant mais le graphisme l’est encore plus car réalisé entièrement au stylo Bic ! On connaissait les beaux crayons de couleurs de Bastien Vivès (Dans mes yeux) ou les feutres flamboyants de Simon Roussin (Robin Hood), il faudra désormais compter avec les stylos d’Etienne Beck. Une audace tout à fait raccord avec l’esprit du Grraaou ici, mais terne dans son rendu et desservie par le ton faussement naïf de l’ensemble. Car, à y regarder de plus près, les détails fourmillent malgré l’économie de moyens et l’expressivité laisse pantois. Moins une question d’outils d’ailleurs que de talent à les exploiter. Une BD totalement hors des sentiers battus donc, à l’esprit agréablement détraqué, qui s’offrira au lecteur intrigué par une couverture improbable. Une ode aux champs et à la fin des utopies aussi. Et comme disait l’autre, cultive ton jardin !
Le GRRAAOU. Par Étienne Beck et Jonvon Nias. 168 p., 23 €.
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