Début des années 1970, fin des Trente Glorieuses. En périphérie d’Hénin-Beaumont, sortait de terre le plus grand hypermarché de France, « le grand A ». Première lettre d’une enseigne d’hypermarché bien connue. Mais quelles conséquences pour la région ? Tout autant symbole de destruction que signe de développement : à la fois mort des petits producteurs, malbouffe, clients victimes du modèle de consommation, mais aussi lieu de rencontres, d’échanges, d’espoirs.

On aurait pu penser que Le Grand A, allait être soit une BD à thèse, un brin pontifiante, ou un pamphlet anti-capitaliste primaire, à l’altermondialisme désuet. Nullement. Les auteurs nous proposent une plongée fascinante dans l’histoire de cet hyper du Nord-Pas-de-Calais : quelques flashbacks sur l’Histoire de la consommation, quelques saynètes traduisant les espoirs et les déceptions de cette modernité galopante, pour dresser un portrait très complet, ni complaisant, ni à charge, de la grande distribution.

Le trait de Jean-Luc Loyer semble fait pour le style de la BD-reportage : expressif, précis, simple. Les cases alternent une étrange et sobre monochromie, ponctuée de ruptures colorées. La narration est vive, multipliant sans excès les points de vue. Le plus est ce portrait en creux du Nord-Pas-de-Calais et, plus particulièrement d’Hénin-Beaumont et de sa proche région, cher aux auteurs et déjà présent dans Sang noir, la catastrophe de Courrières et Noir Métal : au coeur de MetalEurop. Tout y est abordé, sans pathos ni censure, avec honnêteté et réalisme. De la BD-reportage de qualité. Informative et distrayante.