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La 3e Biennale du Havre trouve le point de contact entre BD et art contemporain

13 octobre 2010 |

Le thème est à la mode : la bande dessinée entre au musée, elle est enfin distinguée comme un art à part entière. La troisième Biennale d’art contemporain du Havre va plus loin, en proposant jusqu’à la fin octobre d’explorer le point de rencontre entre bande dessinée et art contemporain. Un pari audacieux, mais qui commence à trouver un vrai sens et une réelle légitimité.

le_havre_superEn effet, après l’exposition Vraoum! à la Maison rouge ou La Ville dessinée à la Cité de l’architecture, la manifestation havraise démontre que ce rapprochement entre la BD et l’art qu’on expose n’est pas une simple lubie de conservateur en mal d’inspiration, ou de galeriste surfant sur le succès d’un secteur éditorial haut en couleurs. Le commissaire de la Biennale, Jean-Marc Thévenet, a voulu insister sur « le point de contact » qui existe selon lui entre le 9e art et les autres. Un point de contact qui se matérialise plus ou moins bien selon les artistes présentés, mais qui prend peu à peu forme, notamment via des installations créées par des auteurs de bande dessinée.

Ainsi, le coeur des multiples expositions et manifestations n’est pas un banal accrochage de planches, mais bien des créations innovantes signées par des artistes qui ont pour habitude de faire des livres ou qui puisent dans le récit en texte+images pour composer des propositions singulières. Par exemple, quand Ruppert & Mulot font tourner, sur des platines vinyles, des personnages et décors de papier découpé, le tout éclairé par une lumière stroboscopique (vidéo ci-dessous), ils créent bien une oeuvre à part entière, narrative et en images, éloignée de la planche d’album.

Même chose quand des auteurs de bandes dessinées (Frederik Peeters, Ibn Al Rabin…), invités par l’éditeur suisse Atrabile, créent une oeuvre destinée à être montrée sur un mur (typique d’un musée), à partir de 100 post-it disposés en carré de 10 sur 10. havre_musee15Certains conçoivent une série d’instantanés de la vie quotidienne, d’autres une grande fresque; Ruppert et Mulot, encore eux, détournent la contrainte en disséminant leurs post-it autour des oeuvres de leurs collègues; d’autres artistes enfin, profitent du format case du post-it pour composer une oeuvre narrative. Voilà bien ici le point de rencontre entre bande dessinée et art contemporain.

Tout comme dans la démarche de Jochen Gerner, dans la lignée de son étrange ouvrage TNT en Amérique, qui revisitait Tintin en Amérique d’Hergé en ne gardant que des bribes de texte et des éléments graphiques sur des planches toute noires. Pour la Biennale, il dévoile des couvertures de Lucky Luke, presque totalement noircies et ornées de motifs évoquant la tonalité de l’histoire (points de croix pour Ma Dalton, etc.). Il poursuit aussi son travail d’abstraction en reprenant des comics de guerre oubliés, en ne conservant que des éléments graphiques récurrents et des mots isolés, pour composer un imposant et hypnotique ensemble de cases aux formes étranges…

havre_02Par ailleurs, les artistes invités n’ont pas hésité à investir l’espace public – à la manière de Pauline Fondevila, qui a conçu des voiles pour une quarantaine de petits voiliers : des messages d’invitation au voyage, qui composent au gré des flots des poèmes aléatoires… Ou encore Virginie Barré qui s’est réapproprié 200 cabines de plages pour y apposer, face à la mer, de grands dessins issus d’un imaginaire influencé par la culture populaire du XXe siècle, comme des vestiges d’une civilisation de l’image qui accueillerait des naufragés sur ce rivage normand.

Ensuite, bien sûr, on admire des choses un peu moins surprenantes, mais intéressantes. Comme le travail pictural d’Achraf Touloub, ou les dessins animés de Christophe Blanc, influencés par l’imagerie des super-héros. Mais aussi des dessins exposés, tels les pages de Brecht Evens pour son album Les Noceurs ou celles des membres de Frédéric Magazine. havre_musee1Il y a encore l’univers de Winshluss, qui prend une belle allure en 3D, ou les broderies de Aurélie William Levaux.

Impressionné par une manifestation montrant que les auteurs de bandes dessinées peuvent légitimement et efficacement investir les musées et galeries – en exposant autre chose qu’un travail destiné à être imprimé -, on peut alors retourner à la pure BD, et profiter de l’exceptionnelle exposition de planches de Vaughn Bodé. De la même génération que Robert Crumb, cet auteur américain, décédé prématurément dans les années 70, était un des pionniers de la BD pour adultes Outre-Atlantique, et aussi du graffiti. Ce travail aux couleurs flashy et au ton délirant n’avait jamais été exposé en Europe, et c’est le fils de l’auteur, Mark (qui poursuit d’ailleurs l’oeuvre de son père), qui est venu le présenter. Une expo BD, comme la cerise sur le gâteau d’une Biennale au thème risqué, mais globalement joliment respecté.

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3e Biennale d’art contemporain du Havre.
Jusqu’au 31 octobre 2010.
Au Musée maritime et portuaire, à la Villa Salacrou et dans d’autres lieux de la ville.
Entrée libre partout.
Infos pratiques ici.

Un beau livre a été publié, comme catalogue de la manifestation, par les éditions Monographik (25 €).
Achetez-le sur Amazon.fr

Les oeuvres sont © les artistes. Photos © BoDoï

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