La petite Mary est fort contrariée : ses parents et ses domestiques ont été terrassées par le choléra. Bye-bye les douces colonies d’Inde, bonjour la grisaille britannique et le manoir d’un oncle bossu. En cette année 1910, la pauvre petite au caractère si renfrogné et capricieux, dissimulant un vrai manque de confiance en elle, va découvrir une nouvelle vie, étrange, à la fois sinistre et pleine de promesses. En effet, son oncle refuse de la voir et la laisse aux bons soins de la bonne et du jardinier. D’ailleurs, si les cris nocturnes demeurent mystérieux dans le manoir, le jardin interdit, clôturé au centre de la propriété, va bientôt s’ouvrir pour Mary. Elle va y trouver un peu d’espoir et donner une nouvelle vie à ses roses…

Maud Begon, dessinatrice de Bouche d’ombre ou Le Réveil des poupées, se penche sur le roman de Frances H. Burnett, classique de la littérature enfantine du début du XXe siècle, adapté maintes fois au cinéma et à la télé. Et elle lui donne corps de fort belle manière dans un diptyque, dans un style très personnel très maîtrisé, au sein de ce qui est sans doute son plus bel album à ce jour. De son trait affûté et espiègle, elle croque les visages et les mouvements avec malice et énergie, prenant le temps de faire évoluer son héroïne page après page – Mary va passer de pimbêche tête-à-claques à petite fille humble, pleine de rêves et d’envie. Sa mise en couleur est très soignée, notamment dans la gestion des lumières – intérieurs feutrés ou sinistres, lumière morne de l’hiver et douce lueur de printemps. Et même la typographie n’est pas laissée au hasard, des sons étranges s’insinuant dans des mises en pages très variées. Un travail léché pour un vrai petit bonheur de lecture, pour petits et grands.