« Le Mirliton merveilleux » et « Les Travaux d’Hercule », deux bijoux du patrimoine chez 2024
À côté de leur travail avec des auteurs émergents, tels Sophie Guerrive ou Jérémy Perrodeau, ou confirmés comme Simon Roussin (en compétition à Angoulême avec Xibalba), et avant de se lancer dans l’album jeunesse, les éditions strasbourgeoises 2024 continuent d’explorer le patrimoine français de la narration illustrée et des pionniers de la bande dessinée. Avec Le Mirliton merveilleux de Télory et Jules Rostaing et Les Travaux d’Hercule de Gustave Doré.
Après Des-agréments d’un voyage d’agrément et Histoire de la Sainte Russie, c’est une autre perle de Gustave Doré que 2024 a exhumée : Les Travaux d’Hercule. Ou la version moqueuse du mythe antique, sous la plume d’un gamin précoce de 15 ans à peine, venu à Paris tout droit de Bourg-en-Bresse pour montrer ses croquis. Le jeune Gustave Doré publie donc très vite son premier ouvrage chez Aubert, fin 1847, dans une collection qui compte déjà des oeuvres pionnières de la bande dessinée, signées Cham ou Töpffer, dont le fameux M. Jabot. Ici, comme dans la « littérature en estampes » de cet auteur, on retrouve deux ou trois dessins par page, accompagnés d’un court texte dessous.
Avec un trait déjà affirmé, Doré croque Hercule affrontant ses terribles épreuves, le rendant de plus en plus ridicule – visuellement du moins – après chacune de celles-là. Il faut le voir avec son « paletot » de peau de lion de Némée aller terrasser une hydre de Lerne pas plus grosse qu’un bébé alligator ! Ou croiser la reine des Amazones habillée comme un soldat de Napoléon, baïonnette au vent ! Si le déroulé de l’histoire suit les douze travaux du mythe, il s’agit bien là d’un prétexte pour Gustave Doré pour caricaturer le monde qui l’entoure, les paysans et les puissants, la vanité et la suffisance. Et de laisser éclater un talent de dessin hors du commun. Sous une belle couverture bleutée, l’édition proposée par 2024 est, comme toujours, très élégante, dans un grand format tout en largeur, avec des dessins seulement sur le recto, comme à l’époque de sa publication. Un incontournable du patrimoine français, sélectionné cette année à Angoulême.
L’autre sortie de la fin 2018 à valoir le détour est Le Mirliton merveilleux. Là, il s’agit vraiment d’une trouvaille, comme l’avait été l’improbable saga de science-fiction de G.Ri, Dans l’infini, publié en 2017 par 2024 et la BnF. Cette nouvelle coédition est de même facture : précise, soignée, documentée. Elle reproduit le conte loufoque écrit par Jules Rostaing et illustré par Henri Émy, alias Télory, publié en 1862 chez Martinet, un spécialiste de l’estampe, de la caricature et des albums illustrés, qui a notamment édité plus de mille lithographies de Daumier.
Difficile d’en résumer l’histoire tant elle se veut absurde et grotesque, enchaînant les situations fantastiques avec les scènes les plus ahurissantes. En gros, il est question d’une flûte magique, d’un mariage détonnant, d’un soleil fâché, d’une basse vengeance, d’une nourrice ourse et de deux frères polissons. Le tout dans un monde des plus oniriques, le graphisme éclatant et plein de détails étranges répondant idéalement à ce récit en forme de rêve. Entre une et quatre images par page, très joliment reproduites dans cet album vertical grand format, permettent de s’immerger pleinement dans cet univers incroyablement imaginatif, surtout pour une publication du XIXe siècle. Espérons que 2024 et la BnF mettent de nouveaux trésors au jour, car c’est un régal pour les yeux et un travail patrimonial original et essentiel. Bravo.
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Les Travaux d’Hercule.
Par Gustave Doré.
Éditions 2024. 60 p., 29,5 x 20,5 cm, 26 €.
Le Mirliton merveilleux..
Par Jules Rostaing et Telory.
Éditions 2024 et BnF. 56 p., 27 x 36 cm, 28 €.
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