Uchu est un personnage de manga. Il le sait. Tout a changé lorsqu’il s’est mis à apercevoir les phylactères et à comprendre que le héros de l’histoire, c’était lui. Et puis il y a l’éternel regard d’un étranger, ce monstre géant qui l’observe sous toutes les coutures… Le lecteur. Mais Uchu, adolescent nonchalant et renfermé, peut-il assumer sa condition de personnage principal ?

Comédie scolaire dont le « quatrième mur » – celui qui sépare l’œuvre de son récepteur – aurait été pulvérisé, Le Monde selon Uchu surprend. Que ce soit suite à la prise de conscience d’un personnage d’être dans une BD, ou sous les caprices de l’auteure, rien n’est figé et l’histoire peut se courber à tout instant. Untel change de rôle, un décor urbain se transforme en bord de mer. Uchu, défiant, n’hésite pas à se jeter depuis le toit de l’école… parce que de toute façon, le héros ne peut pas mourir ! Sous un dessin nerveux et organique, Ayako Noda déploie ici une double réflexion : sur le déterminisme et sur le processus de création. Si tout est pré-écrit, le fait de s’en rendre compte est-il aussi prédestiné ? Et pour l’artiste, démiurge d’un univers de fiction, quelle est la marge de manœuvre sur sa propre création ? Quelle est la part d’elle-même qu’elle injecte dans son œuvre ? Malin.

Au-delà de son concept, Le Monde selon Uchu est un diptyque rondement mené, récit du passage à l’âge adulte et de l’acceptation de la condition humaine. Qu’il soit de papier ou non, chacun disparait à la fin de son propre récit. Celui-ci refermé, qui s’en souviendra ? Une série pas comme les autres qui, après Deathco, Sangsues ou Snegurochka, marque encore le caractère fort de l’actuelle collection manga de Casterman.

WATASHI NO UCHU © 2013 Ayako NODA / SHOGAKUKAN