Le Nirvana est ici



Dans une cité de Berlin Est, Tam traîne son spleen d’adolescente, entre une mère vietnamienne rigoureuse, un grand frère métallo pas bien débrouillard, une bande de roller-girls sympas et un petit blondinet qui se prend pour un agent secret. Son quotidien va être bousculée par plusieurs événements liés : la rencontre avec une Vietnamienne coincée dans une voiture et la découverte d’un doigt humain dans un sac en papier.
Fort d’un découpage et de cadrages très cinématographiques, et d’un noir et blanc bluffant de tension et d’expressivité, Mikael Ross (Apprendre à tomber) tourne un haletant long-métrage de bande dessinée, alternant temps forts et séquences intimistes, autour d’une galerie de personnages hauts en couleurs. C’est peut-être là que le bât blesse d’ailleurs : entre le gamin aspirant James Bond, le proxénète tortionnaire, les truands débiles, la vieille alcoolique ou la bikeuse 100% bad ass, le casting semble un peu trop exacerbé. Car si le peu de crédibilité n’est pas un souci dans une fiction, le fond socio-politique – immigrés de seconde génération, filière de traite d’êtres humains – qui est ici au coeur du récit manque d’épaisseur. Oui, on tourne avec avidité les pages de ce thriller contemporain grâce à sa géniale héroïne, mais on est quand même bien plus circonspect face au portrait de la Vietnamienne en fuite et encore davantage devant celui du gamin solitaire fan de gadgets. Trop d’éléments périphériques (n’oubliez pas les tourments sentimentaux de l’adolescence et les secrets de famille…) s’accumulent et interfèrent avec l’intrigue principale, au risque de désincarner les acteurs et donc de rendre l’émotion factice. Cet épais one-shot, à la décevante fabrication digne d’un livre de poche, laisse donc un sentiment mitigé : un vrai bon moment de lecture, mais une insatisfaction manifeste face au rendez-vous manqué.
Traduction : Jean-Baptiste Coursaud
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