« Le Parfum des hommes », Prix Tournesol 2015
Depuis bientôt vingt ans, le parti écologiste français (Les Verts puis Europe Écologie – Les Verts) décerne un prix de bande dessinée lors du festival d’Angoulême. Organisé sous la figure tutélaire d’Yves Frémion, historien de la bande dessinée bien connu mais aussi ancien député européen et ex-conseiller régional vert, le Prix Tournesol récompense l’album paru dans l’année qui a le mieux incarné les valeurs de l’écologie politique. Ce vaste concept dépasse largement la seule question environnementale, même si elle est centrale, et englobe des questions comme le rééquilibrage des rapports Nord/Sud, la défense des minorités, la justice sociale, etc.
Au fil du temps, les différents lauréats du prix dessinent une certaine histoire de la bande dessinée. Le palmarès a plutôt bonne figure et mêle grands et petits éditeurs, auteurs déjà connus et débutants, venus de tous horizons. Parmi les prix marquant cette diversité, on peut citer Ikar de René Follet et Makyo (Glénat), Palestine de Joe Sacco (Vertige Graphic), Rural !, de Davodeau (Delcourt), Cambouis de Luz (L’Association), le superbe Gen d’Hiroshima de Keiji Nakazawa (Vertige Graphic), la Petite Histoire des colonies françaises d’Otto T. et Grégory Jarry (FLBLB) ou encore Les Bidochons sauvent la planète, de Binet (Fluide Glacial). Un Prix Spécial a également été remis à F’murr – grand oublié du festival – pour les dix ans du Prix. Alors que les vingt ans seront fêtés l’année prochaine, il était question d’un prix décerné à Cabu, grand ami de l’écologie, soudain arraché à la compétition…
Cette année le jury était présidé par Emmannuelle Cosse, secrétaire nationale d’EELV, aux côtés de représentants des Verts locaux, des Verts belges, d’un critique de BD, d’un scénariste (votre serviteur) et des lauréats de l’an dernier : Alexis Horelou et Delphine le Lay, auteurs de Plogoff (Delcourt), BD historique mettant en valeur ce combat fondateur pour les écologistes français.
Au sein d’une sélection de huit titres, c’est finalement le manhwa indépendant Le Parfum des hommes, de Kim Su-Bak (Atrabile), qui a remporté le prix. Ayant eu la chance de participer au jury, je peux vous dire qu’il a chaudement lutté avec Daisy, lycéenne à Fukushima, de Reiko Momochi (Akata) et, surtout, Lip, des héros ordinaires, de Damien Vidal et Laurent Galandon (Dargaud). Il est amusant de constater que mon collègue de Bodoï avait été extrêmement déçu par le livre lauréat… Au sein du jury, le consensus était assez fort pour saluer la force du sujet – soit la toute puissance de Samsung en Corée du Sud, État dans l’État complètement corrompu et écrasant le droit du travail –, mais aussi sa transcription en bande dessinée. Si le récit est très chiffré et parfois complexe, le travail de traduction, la très belle narration et l’impact graphique d’un dessin ciselé ont été salués unanimement. Face à ces deux avis radicalement divergents, il reste aux lecteurs de Bodoï à se forger un avis !
Voici la liste des huit bandes dessinées sélectionnés :
– Daisy, lycéenne à Fukushima, de Reiko Momochi (Akata) ;
– Énergies extrêmes, de Daniel Blancou (Futuropolis) ;
– Legal, d’Amazing Ameziane et Cédric Gouverneur (Casterman) ;
– Lip, des héros ordinaires, Damien Vidal et Laurent Galandon (Dargaud) ;
– Noxolo, de Jean-Christophe Morandeau (La Boîte à bulles) ;
– Le Parfum des hommes, de Kim Su-Bak (Atrabile) ;
– Les Pommes Miracles, de Tsutomu Fujikawa (Akata) ;
– La Vie sans mode d’emploi, d’Alain et Désirée Frappier (Mauconduit).
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