Le Plus Mauvais Groupe du monde ****
Par José Carlos Fernandes. Cambourakis, 19 €, juin 2009.
« Ce n’est pas uniquement notre faute, ces instruments sont une catastrophe », déclare Sebastian Zorn, denteleur de timbres et leader du plus mauvais groupe du monde. Qui répète religieusement et quotidiennement, pendant trois heures, dans la cave d’un tailleur ayant fermé boutique depuis 1958. Résultat « d’un mélange inouï d’ineptie et d’absence totale de sens musical », ce jazz band opère huit étages plus bas qu’un célèbre compositeur, aigri et en manque d’inspiration. La musique qu’il rêve de créer existe pourtant: elle résonne dans la tête de vieilles jumelles, qui vivent trois étages en dessous…
Bienvenue dans un monde presque réaliste, mais totalement absurde, où la poésie fait loi. Un univers où le journal le plus lu expose la déchéance humaine – via un véritable freak show -, où le Parti Impopulaire Idiosyncrasique repousse ardemment ses éventuels adhérents, et où un détecteur de messages sataniques trouve dans un disque une question quasi philosophique troublante (« Comment se fait-il que les jours passent si lentement et les années si vite? »). Le lecteur visite le Musée national de l’accessoire et de l’insignifiant (riche, entre autres, d’une collection de moutaches postiches et de vingt-et-une déclarations de revenus complémentaires de l’année fiscale 1939), découvre l’Institut national de pluviométrie et de métaphysique – où l’on enregistre la forme des nuages qui traversent le ciel – ou encore le ministère de l’Ergonomie.
Ce microcosme est le fruit de l’imagination de José Carlos Fernandes, artiste portugais prolifique. Les éditions Cambourakis publient ici une partie seulement de sa série la plus connue, Le Plus Mauvais Groupe du monde (qui a été adaptée au cinéma et au théâtre, au Brésil et au Portugal), dont six volumes existent. On se délecte de ces soixante histoires courtes – longues de deux pages -, bâties sur un modèle commun: un personnage, qui réapparaît souvent un peu plus loin, monologue tranquillement en compagnie d’une voix off, qui plante le décor. Le trait de l’auteur ne cherche pas à séduire à tout prix. Baignés de teintes ocres et jaunes, ses héros fugaces ont des visages marqués, aux lignes creusées. Gorgé de références (Fernandes cite Jorge Luis Borges, Georges Perec, Alain Resnais ou encore Milan Kundera), ce petit théâtre composé de multiples saynètes fait montre d’un merveilleux humour pince-sans-rire. Et emporte son spectateur dans une bulle satirico-humaniste à l’intelligence vive.
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