Le Pré aux moutons
Depuis quelques années, Tofépi, cofondateur des Taupes de l’espace, publie à l’Association. Après Desh, Le Gars d’Hebdo et Dans ma bulle, il livre une nouvelle autobiographie, construite en courtes séquences marquant la transition d’un cabanon du fond du jardin de ses parents à un âge adulte tardif. À cette époque, Tofépi n’est pourtant pas sans activité : des albums paraissent (a priori, Les Carroulet, au Seuil), il réalise une série dans une revue jeunesse (on reconnaît Capsule Cosmique) et participe très régulièrement à un fanzine rennais (sans doute le Journal de Judith et Marinette). Rien n’est nommé, mais c’est assez transparent. Mais voici qu’alors qu’il quitte le domicile familial, l’éditeur déstocke ses livres et la revue est arrêtée. Restent le fanzine et cette petite soupente, où il recueille un chat sac à puces. Et malgré l’aspect un peu pathétique de la situation, il semble enfin pouvoir avec joie « vivoter de la bande dessinée ». De toute manière, le point de non-retour est atteint, son père est diacre et très investi, la maison familiale est en travaux pour devenir une quasi-annexe du diocèse.
Rien de révolutionnaire ou particulièrement neuf dans cette BD de Tofépi, qui creuse son sillon (même si, nous le voyons dans le livre, l’agriculture n’est pas spécialement ce qui le motive dans ces prés), et pourtant, cela fonctionne. La vie d’un auteur de BD, maintes fois racontée, est sans doute une des moins palpitantes qui soit. Est-ce la manière qu’il a de se mettre en scène ? Les questionnements qu’il fait naître ? Sans bouleverser, l’auteur fait résonner régulièrement ses observations, et réussi à quitter l’anecdotique : la nécessité de se lancer, la sensation d’être un ovni dans sa famille, croire encore que l’on peut atteindre ses buts, en étant pourtant très loin d’un rêve à paillettes. Le poids de cet environnement, cette campagne de l’Ouest, se fait aussi sentir : à la fois monde semblant déconnecté de soi et pourtant lieu de racines, à tout le moins d’habitude. Et l’on se prend d’affection pour ce personnage un peu errant, le temps d’une visite dominicale et d’un salut à la grand-mère.
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