La jeune autrice chinoise Liu Yun dépeint ici la vie de sa tante, mariée à 20 ans à un inconnu, et qui n’a consacré sa vie qu’à son intérieur et à son mariage. En brossant à petites touches son quotidien, et la manière dont il semble anachronique aujourd’hui, elle tente de comprendre en quoi cette situation a pu, un jour, rendre heureuse sa tante, et quels sont ses espoirs et tourments intérieurs.

En une poignée de chapitres à la narration et au graphisme minimalistes, Liu Yun donne à voir une vie morne et rythmée par les invités reçus à la maison lors des fêtes de famille. Sa tante se donne sans compter pour offrir de bons repas, bien présentés, ou des petites attentions pour chacun. Mais elle, personne ne la regarde, ne s’occupe d’elle, ne cherche à savoir à quoi elle aspire. Cette vision, terrible, est bien sûr celle de l’autrice, et elle s’interroge justement sur le ressenti profond de cette tante qui voit dans son mariage la seule réussite de son existence, surtout parce qu’elle n’a pas eu l’opportunité de vivre autre chose. Ses encres aquarellées laissent deviner le vide, ou se parent de couleurs chatoyantes symbolisant un rêve qu’on n’ose prononcer. Il ressort alors de ces planches extrêmement délicates une impression de tristesse, d’amertume, d’émotions contenues. On aimerait alors en savoir davantage sur cette femme qui n’a pour seul loisir la confection de pompons d’une banalité criante. Ainsi que sur les relations familiales dans cette Chine encore assez traditionnelle. Ce sera peut-être la seule petite frustration de cet album : trop vite lu, il ne semble pas totalement abouti. Toutefois, quand on sait qu’il s’agit là du travail de fin d’études de Liu Yun, on pardonne aisément, et on sait qu’on a affaire à une artiste au potentiel indéniable.