Le Profil de Jean Melville
La firme de consulting Jimini détient une base de données gigantesque. Elle va bientôt faire le buzz en commercialisant des lunettes connectées, coach personnel expert dans l’optimisation des ressources. Mais voilà, un de ses partenaires, une entreprise de câblage sous-marin, est victime de sabotage. Étrangement, Jimini fait alors appel à une petite agence de détectives privés, détectée par un logiciel comme la plus performante pour cette tâche. Gary, chargé de l’enquête, va alors faire équipe avec son ami d’enfance, Jean Melville, hypermnésique et spécialiste de programmes open source…
On avait déjà repéré le travail de Robin Cousin, en 2013, avec Le Chercheur fantôme, « sorte de Cluedo au pays des algorithmes ». Il revient cette année avec Le Profil de Jean Melville, « polar numérique » publié depuis le 23 mars sous forme d’épisodes sur Médiapart. Une nouvelle fois, l’auteur pose un univers vertigineux, moderne et flippant. Big Brother ou Big Data va-t-il organiser nos vies et s’en mettre plein les poches ? Via ces lunettes intelligentes qui recueillent mille infos sur vous avant de vous indiquer la meilleure marche à suivre… Soit les nouvelles technologies à votre service et qui vous veulent (forcément) du bien. Quid de l’intimité et de la liberté face à la surveillance permanente ?
Comme dans Le Chercheur Fantôme, Robin Cousin tient un propos solide, jamais ronflant – car il connait parfaitement son sujet et sait en transmettre l’essentiel au profane – en plus d’offrir une intrigue complexe et bien fichue. Les nouvelles technologies, froides ou abstraites pour le plus grand nombre, s’incarnent dans une voix-off inquisitrice et agaçante (vous savez, comme la petite voix des GPS) mais aussi, en contrepoint, dans la touchante relation qui se joue entre les deux amis, Jean et Gary. Intelligemment, l’auteur évite tout propos manichéen, partisan ou réducteur. Ainsi fossoyeuses de nos libertés, les technologies sont aussi à l’origine d’une fascinante réalité augmentée, qui frayent avec la poésie et l’art. Remarquable est d’ailleurs la recherche graphique, toute en finesse. Le noir et blanc dominant cohabite ainsi avec l’irruption de petites touches colorées du plus bel effet, miroirs d’une réalité que les deux héros voudraient reconquérir à leur manière. Bref, de connexions en manipulations en passant par tous les outils connectés – appli, lunettes et tablettes – Robin Cousin parvient à réenchanter le numérique… et le réel. Un bel exploit !
Publiez un commentaire