Le Quatrième Mur
Début des années 1980. Le Proche Orient se déchire, Beyrouth est le théâtre d’une guerre civile complexe et sanglante. Pourtant, c’est là que Samuel, Grec qui a fui la dictature des colonels pour la France vingt ans plus tôt, veut faire vivre un tout autre théâtre. Celui de Jean Anouilh et de son Antigone. L’idée de Samuel : créer une parenthèse dans la guerre et faire jouer cette pièce intemporelle qui parle d’honneur et de résistance par des Palestiniens, des juifs, des chrétiens, un fils ou une fille de chaque camp main dans la main pour rêver ensemble la paix. Mais Samuel est gravement malade et il demande à son ami Georges de mener à bien son utopie.
En adaptant le livre de Sorj Chalandon, Goncourt des lycéens 2013, Éric Corbeyran s’empare d’un fond historique dense et documenté, pour se concentrer sur le personnage de Georges, gauchiste libertaire rattrapé par la réalité de la paternité et des années Mitterrand. À travers son regard, ses hésitations, ses doutes, son envie de donner à son ami Samuel une dernière satisfaction terrestre en concrétisant son rêve pacifiste, on suit cette histoire poignante et singulière, entre théâtre engagé, journalisme de guerre et littérature ciselée. Ce croisement des genres était délicat et se mue en une bande dessinée convaincante, où le texte sobre et puissant trouve un bel écho dans les planches expressives de Horne. Le dessinateur, vu jusqu’ici dans des productions de divertissement plus ou moins convaincantes (Réincarnations, Zodiaque, La Métamorphose), a changé de style pour un trait plus lâché, plus proche du roman graphique contemporain voire de l’humour avec ses personnages élégamment caricaturaux. Choix risqué et payant, car c’est par ce dessin facile à appréhender qu’on rentre dans cette histoire touffue et douloureuse. Un bon boulot d’adaptation.
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