Le Sentier des reines
Rescapés de la Première Guerre mondiale, le mari et le fils de Blanca, des colporteurs savoyards, ont péri dans une avalanche. Blanca décide donc de quitter le village avec sa bru Pauline et le jeune Florentin, un orphelin taiseux mais vif. Malgré la neige dans laquelle on s’enfonce, les reliefs accidentés, le froid qui pince la peau, ce trio improbable « trimballe son malheur », attaquant un dangereux périple. Surgit un ancien poilu, Arpin, dont le « visage est un parfait mélange de François, le père, et Rémi, le fils » de Blanca, note Florentin, narrateur sobre de l’épopée. Pire qu’une glu, l’homme ne les lâchera pas, au péril de sa vie. Se prétendant un camarade de François, autrefois « dans la même unité », il tente d’abord — sans succès — de gagner leur amitié. Avant se dévoiler : il veut leur dérober une montre ayant appartenu à son ancien capitaine…
Anthony Pastor a ici choisi un sujet aussi austère que ses héroïnes, soldates du quotidien comme sommées de survivre. Ambitieux, ce Sentier des reines attire — d’autant que les précédents ouvrages de l’auteur (Bonbons atomiques, Las Rosas) étaient enthousiasmants. On est d’abord saisi par l’ambiance sèche, glaciale du récit, qui convient parfaitement au propos. Pastor tire là un fil narratif à l’os, sans omettre de contextualiser son propos, notamment par une riche évocation graphique — avec une belle utilisation de la hachure, et un parcimonieux usage de la couleur — de la montagne ou des villages savoyards de l’époque. Tout à fait disposé à se laisser embarquer dans les aventures de Blanca, Pauline et Florentin, on reste toutefois, à la fin du livre, sur le côté de la route. Bien conscient des nombreuses qualités de ce Sentier, mais déçu de n’avoir pas senti le souffle romanesque que Pastor sait habituellement si bien faire planer. Intrigants mais pas assez creusés (on aimerait saisir davantage Blanca ou Pauline, comprendre pourquoi Arpin ressemble tant à leurs disparus, mieux sentir les émotions qui les traversent), les beaux personnages qu’il a imaginés ne donnent pas toute leur mesure. Gelés, peut-être, comme le somptueux décor qu’ils traversent ?
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