Faith est une jeune Nigériane de 16 ans, vivant dans un quartier pauvre, avec des rêves plein la tête. Belle et naïve, elle se laisse convaincre de partir pour l’Europe, pour devenir riche et célèbre, et ainsi subvenir aux besoins de sa famille. Sans chercher à savoir ce qu’elle fera là-bas, elle scelle un pacte selon des croyances magiques puissantes, et la voilà prise au piège : sans papier, sans argent, avec une dette monumentale à rembourser, elle va gagner la France par la Libye et devenir prostituée à Nantes.

Sous-titrée « Itinéraire d’une Nigériane, de la prostitution à l’émancipation », cette bande dessinée est une fiction basée sur un long et minutieux travail documentaire, nourri de nombreux témoignages. On le sent à chaque page : l’impressionnante cérémonie au temple juju qui marque l’emprise mentale du réseau sur les jeunes filles, la traversée du désert puis de la Méditerranée, les viols pendant le voyage, le trottoir directement en arrivant, puis les liens avec les associations françaises et la possibilité de s’en sortir… Tout est décrit avec précision et engagement, et il est difficile de rester de marbre face à cet atroce état de fait. Le revers de la médaille de cette démarche édificatrice est un trop-plein de notes, d’informations techniques, culturelles ou juridiques, et une narration parfois plate, écrasée par le poids de l’ambition documentaire. Trop de scènes de discussion autour d’une table, pas assez d’incarnation des personnages ni de place laissé à l’expression graphique. Néanmoins, l’objectif est tout de même largement atteint : parler sans détour de la réalité des réseaux de prostitution, et de la manipulation mentale subie par les jeunes Nigérianes. Dès lors, plus qu’une BD pour le marché français, Le Silence du juju est un document qu’il faudrait faire traduire et diffuser à grande échelle en Afrique, à la source même des filières de cette forme d’esclavage. Pour que tous et toutes sachent.