Le Travailleur de la nuit
« J’ai vu le monde et il n’était pas beau. » Engagé comme mousse dès ses plus jeunes années, Alexandre Jacob rêve d’horizons lointains et d’aventures exotiques. Au lieu de cela, c’est la misère et l’exploitation des plus humbles qui lui saute au visage. Revenu à Paris, c’est tout naturellement qu’il se rapproche des cercles anarchistes. Esprit libre, il fonde alors une bande de cambrioleurs, les travailleurs de la nuit, Robins des bois redistribuant leurs gains aux plus malheureux. Alexandre Jacob ne trahit jamais ses origines prolétaires, la tête toujours levée, même face à ses détracteurs, jusque dans les tribunaux, et même dans le triste bagne de Cayenne.
Le scénario de Matz reprend la vie de cet homme oublié des livres d’histoire, remis en lumière très récemment par Vincent et Gaël Henry dans une BD éponyme : Alexandre Jacob, journal d’un anarchiste. La vision de Matz est plus sombre, moins rocambolesque, et par là même plus sociale, cherchant moins la distanciation avec la réalité. Elle se veut aussi plus romanesque, exacerbant les sentiments nobles du personnage : envers les injustices, pour sa mère ou encore pour sa compagne. Léonard Chemineau crée de belles planches, de facture classique, avec des personnages aux traits réalistes dans les gros plans et plus caricaturaux dans les plans larges, leur donnant à la fois expressions et mouvements. Le travail de colorisation à l’aquarelle est riche et nuancé, tout particulièrement pour les scènes de nuit où le dessinateur sait illuminer les sombres. Bel ouvrage, au sujet maîtrisé et aux dessins soignés, qui trouve pleinement sa place à côté de la version des Henry pour ne pas oublier cet homme, qui traduit à lui seul les aspirations d’une partie de la société, celle des opprimés toujours debout, celle des insoumis !
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