Don Alejo a 77 ans et dirige avec fierté un ranch au Mexique. Le travail d’une vie, dans la paix et l’humilité. Mais cela, les narcotrafiquants qui sévissent dans la région n’en ont cure. Ils lorgnent la propriété du vieil homme car elle possède une piste assez longue pour faire décoller un avion, une aubaine pour transporter cash et poudre, au nez à la barbe des autorités – qui, de toute façon, sont corrompues jusqu’à la moelle. Sommé de quitter son ranch, Don Alejo résiste. Il s’arme et attend le retour des malfaiteurs. Il ne cédera pas.

Inspiré d’une histoire vraie, celle d’un fermier qui a payé de sa vie son opposition au diktat des narcos, qui a ému le pays en 2010, cet album ne fait pas dans la dentelle. Frontal et sans recul, il met en scène ce vieux fermier obstiné se barricadant tout en convoquant les souvenirs de sa jeunesse, alors qu’il sait ses heures comptées. Cette alternance entre un présent faussement réaliste – car mis en scène comme un thriller poussif plutôt que comme un documentaire – et des flashbacks mielleux peine à donner du rythme et une identité à une bande dessinée qui se présente comme un hommage au courage d’un homme seul face à l’injustice. L’hommage est là, certes, mais sans psychologie des personnages, sans mise en contexte solide, sans prise de distance. Sans tous les ingrédients qui font d’un fait divers un vrai scénario. Quant au dessin, d’une ligne claire épaisse et tendre plutôt agréable au premier regard, il se révèle trop fragile dans les expressions, l’anatomie et l’architecture pour répondre aux besoins de réalisme de l’histoire. Ne reste alors qu’une fable sordide, sans morale ni perspective, au graphisme sans aspérité. Peu de chose, en somme.