Le Vol nocturne
Les sorcières sont de retour parmi nous. Rogée et Martine en l’occurrence. Rogée est sans doute la meilleure, raflant le titre depuis quatre ans. Mais voilà, il lui manque sa carte mauve, celle qui permet de téléphoner de l’hôpital et d’accéder à la piscine municipale. Et puis, la vie sans Martine est moins drôle aussi. Même si celle-ci revient de temps à autre à la vie sous la forme d’avatars animaliers : un lapin, un sanglier, une vache. Entre les sabbats, les résurrections et le temps qui fuit, sans issue, la vie de sorcière n’offre aucune garantie. Pas même celle de réussir à modifier le cours des choses…
Sont-elles damnées les sorcières de Delphine Panique (L’Odyssée du vice, En temps de guerre) ? Sûrement pas. Malgré les ruines d’une maison encore fumante, un agenda à moitié détruit, ou l’impossibilité de reconstruire une maison, la vie de sorcière reste une expérience passionnante. Car on peut soulever des objets avec la pensée, faire fondre des minéraux ou transformer le feu en eau. Mais rien, semble-t-il, ne remplacera l’être cher disparu, pas même un animal aussi loquace soit-il. Et ce n’est pas le temps, cyclique ou linéaire, qui pourra réactualiser les morts. À l’image de ce cerisier qui mûrit aussi vite qu’il pourrit.
Mêlant anecdotes légères, pensées sur le temps qui passe et images graves – un décès, une tombe –, Delphine Panique nourrit une réflexion décalée et fantaisiste sur le deuil, le sentiment de perte ou le temps qui passe, à la fois cruel et fécond. Au fil d’un texte cocasse ou poignant, il émane des aventures de Rogée et Martine une douce poésie, presque mélancolique, qui verse parfois dans un symbolisme hermétique. Mais le trait fin et fragile, aux formes géométriques, nourrit des existences évanescentes pour incarner au mieux des sorcières bien vivantes.
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