L’Encyclopédie des débuts de la Terre
Quand Isabel Greenberg décide de se lancer dans son premier long roman graphique, elle ne choisit pas la facilité. Repérée notamment dans la revue Nobrow, et lauréate d’un prestigieux prix du récit court, la jeune auteure londonienne s’attaque carrément aux origines de la planète et de l’humanité. En réinventant les mythes fondateurs, entre légendes nordiques et textes bibliques.
Contrairement à ce que son titre indique, ce gros ouvrage (176 pages) n’est pas une encyclopédie, mais un récit à tiroirs, un labyrinthe d’histoires dans l’histoire. Tout commence avec une romance antarctique contrariée par un champ magnétique détraqué, empêchant les deux amoureux de s’approcher. Alors, il se racontent des histoires au coin du feu, à commencer par celle de trois soeurs du pôle Nord qui découvrent un bébé, et le scindent en trois personnalités distinctes. Trois enfants qui finiront par se réunir en un solide garçon, mais à qui il manque un morceau d’âme, perdu lors de la recomposition de son être. Il part alors vers le sud, à la recherche de ce fragment évaporé… Devenu conteur, il ravira les peuples qu’il croisera de ses récits et recueillera aussi leurs propres légendes, faites de guerre, d’amour et de dieux tantôt aimants, tantôt colériques.
Lorgnant du côté de la Scandinavie, de la Grèce antique ou tout simplement de la Bible (la Tour de Babel, l’Arche de Noé…), Isabel Greenberg s’approprie les mythes fondateurs de l’humanité et les assaisonne à sa manière, pleine de douceur, d’empathie, et d’un goût certain pour le fantastique onirique. Ses personnages sont attachants, mêmes ses dieux oiseaux pourtant irascibles. Avec son trait épais allant à l’essentiel, et ses noirs et hachures évoquant la gravure, elle vise et atteint un graphisme hors du temps, immédiatement accessible et sans référence culturelle trop forte. Universel en quelque sorte. Et dès lors, elle s’affirme comme une conteuse hors pair, capable de vous fasciner des nuits durant par l’histoire d’une vieille qui terrassa un géant avec des saucisses, ou celle d’un cartographe agoraphobe qui mesurait les distances avec une bande de singes entraînés. Pour un premier livre, c’est un coup de maître.
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