L’Enfer en bouteille
En cette période pré-angoumoisine, les projecteurs se braquent sur l’invité événement du 41e Festival international de la bande dessinée. Après un sulfureux DDT chez Le Lézard noir, Casterman édite également son Maruo avec une collection de travaux récents issus du magazine alternatif Comic Beam – berceau de Wet Moon ou de Thermae Romae.
Quelle merveille! En quatre nouvelles d’un raffinement graphique absolument phénoménal, l’artiste libère la virtuosité de ses compositions à l’encre noire, d’une finesse incroyable, au service de récits cruels et exaltés. Un ouvrage qui s’érige au triomphe des parfums d’antan, à commencer par L’Enfer en bouteille, récit-titre et adaptation d’un classique de l’écrivain avant-gardiste Yumeno Kyûsaku (1889-1936). Ou les désirs décadents d’un frère et d’une sœur, sur une île déserte au goût de paradis désabusé. Dans la cocasse Tentation de Saint-Antoine explose tout le goût de Maruo pour la peinture occidentale, qu’il cite à la fois dans le texte et dans l’image – y sont directement référencés Bosch, Dalí, Rops, ou Ernst. Les deux dernières histoires, prenant pour cadre l’avant-guerre nippone, sont respectivement l’adaptation pétrie d’humour noir d’un classique du rakugo (histoires racontées et mimées par un conteur), et l’épouvantable destin d’une jeune fille forcée de vendre son corps pour se nourrir, elle et son frère handicapé.
Autant de perles noires, autant de portes d’entrées idéales à cet artiste en marge dont les partis pris extrêmes peuvent effrayer. Ici, l’approche reste réservée aux adultes mais on ne trouvera pas les élans borderline dont l’homme est capable (gore anatomique, scatologie,…). Juste un goût de romantisme sombre, délicatement malsain, dans un monde d’impuretés coquettes et de décorums surréalistes.
© 2012 Suehiro Maruo / KADOKAWA CORPORATION ENTERBRAIN
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