Léonie, révélation BD de la rentrée
Elle est une des grandes découvertes du jeune éditeur Manolosanctis. Léonie, Genevoise de 29 ans établie à Paris, vient de sortir Princesse Suplex, l’histoire d’une employée de bureau la semaine, catcheuse le week-end. Son trait vif et expressif, ainsi que sa singulière énergie et sa vraie sincérité, font de ce récit court une des plus belles surprises de la rentrée. Rencontre avec une jeune auteure en quête d’aventure, qui se dit fascinée par Isaac le pirate et les dessins animés de Bill Plympton.
Comment êtes-vous venue à la bande dessinée ?
J’ai fait une « maturité artistique » en Suisse, puis me suis inscrite à l’Institut Saint-Luc à Bruxelles. Ces trois années m’ont confortée dans mon choix de travailler dans la bande dessinée. Mais la sortie de l’école a été assez angoissante pour moi, il fallait apprendre à s’autogérer, je n’étais peut-être pas tout à fait prête. J’ai donc repris mon activité de libraire, en France et en Suisse, pendant environ un an, avant de me mettre à constituer des dossiers d’albums plus concrets à envoyer aux éditeurs.
Quelles réponses avez-vous obtenues ?
Des réponses négatives ! Mais mon copain [Thomas Gilbert, auteur de Oklahoma Boy et Bjorn le morphir] avait découvert le site Manolosanctis et m’a incitée à y poster des histoires. J’ai donc mis en ligne quelques vieux trucs et les premières réactions ont été plutôt enthousiastes. Cela tombait bien car j’étais un peu en train de me décourager…
Votre premier récit publié sous forme de livre était une histoire courte pour le recueil Phantasmes (image ci-dessous).
Oui, ce concours m’a bien relancée. J’aime les contraintes [les candidats devaient dessiner une histoire de huit pages autour du thème du fantasme], ce doit être mon côté un peu scolaire… Pour ce projet, je n’avais pas envie d’écrire un récit érotique : j’ai préféré aborder le thème dans son sens psychanalytique, en mettant en scène les fantasmes négatifs qu’expriment un patient et qu’est obligée d’absorber une psy. Je voulais aussi profiter du format court pour produire quelque chose qui claque visuellement.
Comment est née votre BD Princesse Suplex ?
Manolosanctis m’avait demandé de créer une histoire pour sa collection Médée. Elle devait faire 24 pages (dont 18 dévoilées sur le site) et comporter un aspect féminin, afin de coller à la ligne de cette collection qu’a inaugurée Diglee. Faire une BD féminine, ce n’est pas un souci, mais j’ai un peu de mal avec le côté girly de certains albums ou blogs. J’ai donc décidé de faire un truc qui ait des couilles !
Pourquoi le catch ?
Je bouquine énormément et me suis rendu compte que les nouvelles parlant de sport, et de combat notamment, fonctionnent très bien. Ce qui m’intéressait dans le catch, c’était le côté déguisement, le show qui entoure les matches. C’est un jeu en plus d’être un sport. J’ai situé mon histoire dans le domaine du catch amateur, car raconter une double-vie m’intéressait également.
Vous êtes-vous beaucoup documentée?
À part des souvenirs de quelques matchs à la télé, je n’y connaissais rien. J’ai vu le film The Wrestler, j’ai fait quelques recherches, mais je n’ai pas trouvé grand-chose sur le catch féminin amateur français. Par contre, j’ai déniché beaucoup plus de choses sur son pendant américain. Là-bas, les catcheuses sont de vraies bimbos, c’est assez différent d’ici.
C’est vrai que votre héroïne est une femme un peu ronde, au physique plus banal en tout cas…
Oui, car je voulais me démarquer d’un certaine catégorie de bandes dessinées qui cantonne les femmes à des rôles sexuels ou maternels. Mon héroïne n’est pas une femme si extraordinaire, elle fait du catch comme d’autres font du yoga. Et en même temps, elle y sacrifie pas mal de choses. À l’image de beaucoup de gens passionnés, elle mène véritablement deux vies de front. Un peu comme moi quand je travaillais en librairie : les jours où ça n’allait pas trop, je me rassurais en me disant que ce n’était pas mon existence réelle. Que ma vraie vie, c’était être auteure de bandes dessinées.
Après plusieurs histoires courtes, n’avez-vous pas envie de vous lancer dans un projet de plus longue haleine ?
Si, bien sûr. Mais j’avoue avoir encore quelques difficultés à composer un scénario. Je suis d’ailleurs à la recherche d’un scénariste avec lequel je pourrais travailler. Et j’adorerais aussi adapter des romans. J’avais envisagé d’adapter Mille femmes blanches de Jim Fergus, une sorte de western avec des personnages féminins atypiques. L’auteur était assez enthousiaste, mais ça n’a pas pu se faire jusqu’ici. Moi, ce que je veux, c’est raconter l’aventure.
Pas de projet toute seule ?
Si, je travaille aussi sur une histoire magique qui se déroule dans le bayou américain. Je m’applique, car je n’ai pas envie de rater ce premier récit long. Mais je peine encore à trouver le ton juste et j’ai terriblement peur de tomber dans le kitsch. Ma pire hantise est de faire un téléfilm de M6 !
Le développement de la bande dessinée numérique vous séduit-il ?
Oui, car je pense que la BD créée pour les écrans peut apporter de nouvelles expériences de lecture, et aussi engendrer plein d’idées pour les auteurs. Il y a des tas de choses à inventer.
Propos recueillis par Benjamin Roure
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Princesse Suplex.
Par Léonie.
Manolosanctis, 6,90 €, le 19 août 2010.
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