Les Damnés du grand large
Un conteur mystérieux débarque dans une taverne de marins, un soir de brume. Contre le gîte et le couvert, il dévoile son corps tatoué et une histoire hors du commun, qui ferait frémir n’importe quel vieux loup de mer. Celle de matelots de L’Alicante, trucidés par des créatures maléfiques et invisibles, qui laissaient la lettre A inscrite sur leur front. Celle d’un bateau fantôme, dont l’équipage fut retrouvé décimé. Celle d’un gamin qui avait prévu toutes ces malédictions dans son carnet rempli dessins monstrueux…
Voilà un bel album de genre, entre le récit de pirates vengeurs et le conte horrifique, qui puise autant du côté de Stevenson que d’Edgar Poe. Le récit du mousse qui dessine, baptisé « Rêveur » par les marins crédules, s’enchâsse parfaitement dans celui du narrateur tatoué, produisant chez ceux qui l’écoutent – et le lisent, forcément – une fascination teintée d’angoisse des plus plaisantes, pour peu qu’on goûte ce type d’aventures frissonnantes. Bien sûr, les lecteurs amateurs de ce rayon-là verront venir la chute d’assez loin, mais le scénario de Kristøf Mishel (dont c’est la première BD) est suffisamment dense et bien construit pour qu’on ne le lâche pas jusqu’à la dernière page. Et le dessin racé de l’Italienne Beatrice Penco Sechi, aux visages déformés et aux clairs-obscurs malins, donne toute sa puissance à cet univers fantasmagorique et grand-guinolesque. Une vraie série B maritime assumée.
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