Les + du blog BoDoï : GARTH ENNIS 1/2
MÉMOIRES D’UN 303
Suivre l’histoire d’une arme à travers ses différents propriétaires n’est pas une idée nouvelle. À la fin des années 1982 paraissait aux Humanos Mémoires d’un 38, imaginé par José-Louis Bocquet et Jean-Luc Fromental et mis en images par le regretté Franz, dont ce fut l’album le plus noir. On y côtoyait une Amérique bourrée de flics pourris, de barjots intégraux et de brutes épaisses qu’éclairait tout de même une petite flamme d’humour qui aidait à faire passer la pilule. L’humour, on n’en trouve pas l’ombre d’une molécule dans 303, qui montre les différents propriétaires d’un fusil Lee-Enfield calibre .303, respectable vestige remontant au début du siècle dernier.
Garth Ennis, l’Irlandais le plus sauvage de la BD (Preacher, Just a Pilgrim, Le Punisher), glisse ce flingue respectable entre les mains d’un officier russe, dur de chez les plus durs, englué dans la sale guerre d’Afghanistan. À l’issue d’une mission pourrie – retrouver un avion américain cachant un secret lui aussi bien pourri – au cours de laquelle il descend un officier anglais avec-qui-il-aurait-pu-être-ami, refrain connu, l’homme se rend aux États-Unis, pays évidemment pourri. Il devra tuer un flic américain avec-qui-il-aurait-pu-être-ami, avant de jouer au doigt de dieu, ou du diable. Burrows au dessin y va sans état d’âme : les viscères jaillissent, les bras sont arrachés sous l’impact des balles. Le sang, très rouge, coule de partout. Le dessin, ligne claire un peu grasse, ajoute au malaise. Ennis profite-t-il de la violence pour faire passer ses idées révolutionnaires ou s’abrite-t-il derrière un discours politique pour justifier des scènes de violence parfois insoutenables ? À chacun son angle de lecture.
« La collection Angle Comics de Bamboo s’est donné pour tâche d’explorer les pans moins connus de la production BD américaine : les petits éditeurs, les jeunes auteurs, les petits bijoux cachés » explique le dossier de presse de 303. Là aussi, une double lecture est possible. Bamboo a-t-il voulu, dès le départ, explorer les collections peu connues – et peu vendues – de la production américaine ? Ou, après la razzia de Panini sur les super héros Marvel et DC, et le travail de Delcourt pour ramasser les restes de ce qu’éditait Semic, Bamboo a-t-il pris ce qui restait sur le marché ? En tout cas, l’éditeur des Profs nous permet de lire des œuvres comme 303 qui avaient peu de chance de figurer aux catalogues Panini ou Delcourt. Merci Bamboo !
303 #2 : Amérique par Jacen Burrows et Garth Ennis. Angle comics Bamboo, 8,90 euros.
Lire un autre dossier : 2/2
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