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Les + du blog : DUPUY ET BERBERIAN 1/4

20 novembre 2006 |

PLANS DE RÉFORMÉ

Les BrutesLe service militaire n’est plus obligatoire depuis 1996, et c’est bien dommage car il représentait une source d’inspiration jubilatoire pour les écrivains. Philippe Jaenada explique comment éviter la marche au pas cadencé dans une nouvelle à l’humour aigre-doux. Son héros préfère être jugé par des minettes frisées que par des crânes rasés. L’histoire de ce bobo rebelle ne pouvait être illustrée que par les maîtres du genre : Dupuy et Berbérian. Extraits.
Les Brutes de Jaenada, illustré par Dupuy et Berbérian, éditions Scali, 18 euros.

LES TROIS ÉPREUVES DE LA VIE : LE CATÉCHISME, LE MARIAGE ET LE SERVICE MILITAIRE

Quand j’étais petit (avant-hier), après m’être succinctement renseigné, auprès de mes bons parents, sur les grandes lignes de l’existence à venir et les étapes importantes qui jalonnaient le chemin jusqu’à la mort, j’ai compris que tout se passerait à peu près bien si je parvenais à franchir trois obstacles redoutables, angoissants, qui m’apparaissaient a priori comme les seuls points noirs d’une vie sinon plutôt fastoche : le catéchisme, le service militaire et le mariage. Si je réussissais à passer ces épreuves sans trop de dommages, c’était gagné, tout le reste ne serait que plaisir – et même avec pas mal de dommages, ça irait encore, le principal étant de les avoir derrière soi (dans ma tête de bambin simplet, aux capacités d’approfondissement limitées, je crois que je laissais inconsciemment une certaine place à la probabilité d’échouer, de buter contre ces obstacles) de ne pas survivre au regard de Dieu pendant le catéchisme, de rester englué à jamais dans le service militaire (« Je m’en fous, de ton arthrose, pépé, tant que t’auras pas fait tes cent pompes avec ton sac de pierres sur le dos, tu sors pas de là ! ») ou d’exploser le jour du mariage, en sueur dans mon costume, devant tout le monde.

(Bambin simplet, je ne pouvais pas imaginer que le plus difficile, dans le mariage, n’était pas ce moment, certes très embarrassant, où l’on doit mettre un costume, une cravate, et embrasser une fille qu’on connaît à peine, debout devant une centaine de personnes qui ont les yeux braqués sur vous et vous jugent, mais plutôt la suite – et que le hic avec la suite, c’est que ça n’a rien d’une étape, ça ne se franchit pas, on reste, d’une manière ou d’une autre, englué dedans jusqu’à la mort (« On s’en fout de ton arthrose, pépé »).
Je crois que ce qui me faisait peur, dans ces trois salles de torture que je distinguais au loin sur la route, c’était l’intervention programmée d’une force extérieure, ce truc menaçant de contrainte, de regard sévère, de pouvoir absolu sur moi (je suis petit, ne me faites pas de mal) – l’intuition (mes parents m’avaient simplement expliqué, en mots calmes et mesurés, que j’allais rencontrer Dieu, les militaires et ma femme – rien d’affolant) qu’en trois occasions espacées de quelques années chacune, je serais confronté, sans aucune possibilité de fuir, à une autorité supérieure qui ne rigolerait pas (Dieu est extrêmement puissant (et ne rigole pas avec les fourbes), les militaires sont impitoyables, violents et armés, enfin ma femme sera très impressionnante et quittera l’église en secouant la tête quand elle s’apercevra que je transpire et que je ne sais pas embrasser, escortée vers la sortie par les murmures approbateurs de l’assistance indignée par ma contre-performance, et je resterai seul devant l’autel, empoté dans mon costume, sous le regard furibond de Dieu).

Prochain extrait : COMMENT VAINCRE DIEU ?

Extrait de Les Brutes de Jaenada, illustré par Dupuy et Berbérian, éditions Scali, 18 euros.
© Dupuy et Berbérian, Scali.

Et voir les autres dossiers : 2/4, 3/4, 4/4

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