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LES + DU BLOG : LA CASTAFIORE 5/5

30 juin 2006 |

Georges Rémi voit s’égosiller pour la première fois le Rossignol milanais à l’âge de 13 ans. « Renard curieux » (son surnom scout) éclate de rire en découvrant Marguerite s’effeuiller devant son miroir. L’abbé, qui accompagne la patrouille à l’opéra, l’oblige à présenter ses excuses à la femme aux bijoux !

HERGE, LA CASTAFIORE ET LE SECRET DE LA LICORNE


La Castafiore, revisitée dans Les Aventures d’Hergé, par Bocquet, Fromental, Stanislas. Éditions Reporter, 1999.
Un morceau de coton à la main, la Castafiore a presque fini de tomber le masque. L’abbé, qui triture toujours son béret, se décide enfin à annôner dans sa barbe un compliment ampoulé. Tout en le laissant faire, la Diva se lève brusquement pour passer derrière le paravent déployé au fond de la loge d’où se fait entendre aussitôt un doux bruit d’étoffes froissées.
Les yeux écarquillés, Georges voit alors voler un jupon de dentelles qui retombe sur le haut du paravent. Ces dessous sont suivis d’une gaine noire, d’un porte-jarretelles fuchsia, de deux bas de soie blanche, et pour finir d’une culotte
fendue à froufrous.
Déjà, le prêtre d’apprête à sortir quand une voix merveilleusement flûtée se fait entendre : Vieni qui, bambino !
Georges dresse l’oreille. Pour la première fois depuis son entrée dans la loge, la Castafiore a parlé.
Ne comprenant pas l’Italien, le scout ne bouge pas.
Mais cette voix merveilleuse exerce sur lui une attraction irrésistible.
Aussi irrésistible que la sirène Parthénope, cette créature surnaturelle dont Georges avait appris en cours d’histoire qu’elle envoûtait jadis les marins qui descendaient vers la Grèce, avant d’envoyer leurs navires se fracasser sur les récifs des actuelles îles de Positano. Parthénope, emblème de la ville de Naples !
Est-ce là sa réincarnation ?
Tandis que le reste de son corps demeure entièrement caché, la chanteuse passe la tête sur le côté droit du paravent et pointe l’index vers le jeune garçon :
Tu, vieni qui ! Aiutami !
Cette fois elle traduit presque simultanément.
– Viens ici, tu vas m’aider !
– Moi ?
– Si, si ! Viens !
L’abbé tente de retenir « Renard curieux », mais la cantatrice le fusille du regard.
Lo lasci. Laissez-le mon père !
Passé de l’autre côté du paravent, dans la semi-pénombre, Georges aperçoit la Castafiore qui lui présente son dos corseté. À travers un entrelacs de fils noirs, une peau laiteuse s’offre au regard de l’adolescent. Le tissu s’arrête au creux des reins, accentuant la vertigineuse cambrure de cette créature imposante et large de hanches dont il n’échappe pas à Georges qu’elle a enlevé le bas avant de se débarrasser du haut. Comme hypnotisé, Georges s’est à nouveau immobilisé. La « voix » le tire de sa fascination.
– Aide-moi à dénouer ce lacet. Je n’y arrive pas ! J’étouffe !
D’habitude, fut-il de vache, de chaise, de hauban double, voire de cul de porc, aucun nœud ne résiste aux doigts du scout. Mais l’enlacement de celui-ci en est si serré que ses phalanges ne peuvent rien saisir. Échauffé par le piquant d’une situation aussi extraordinaire, le front brûlant, le garçon s’acharne alors, tandis que la Castafiore, appuyée contre le mur, se cambre davantage en ahanant. Comme, décidément, rien ne vient, pris d’une brusque impulsion, Georges agrippe la Diva par les hanches et se jette sur le nœud pour le travailler avec les dents. Au bout de quelques secondes, tandis que la chanteuse respire de plus en plus fortement, les fils, humides de salive et mâchouillés, se relâchent enfin, pour se dénouer et retomber tout flaccides sous les doigts fébriles du garçon.
Libérée de son carcan de baleines et de soie, la Castafiore pousse un soupir de satisfaction. Grazie mille ! souffle-t-elle. Et soudain, faisant brusquement volte-face, elle écarte les bras pour offrir sa plantureuse poitrine aux yeux ébahis du scout.
Regalo ! Cadeau !
De ces généreux appas qu’il tète avidement du regard, Renard curieux, fidèle à son totem, ne peut s’empêcher de descendre ensuite jusqu’aux ombres d’une zone autrement plus troublante que celles examinées sur les gravures retouchées du Larousse en deux volumes ! Une zone interdite qu’il découvre pour la première fois « en vrai »…
Quelle n’est pas sa stupéfaction de rencontrer là, ce qui normalement n’aurait pas dû s’y trouver ! De surcroît, éclairée par un rai oblique de lumière qui se glisse entre le tissu et le cadre du paravent, la surprise est de taille !
La Castafiore serre un instant le scout contre elle et, d’une voix bouleversante lui glisse à l’oreille : « Le secret de la Licorne ! »
Mais déjà, d’un geste vif, prenant le garçon par les épaules, la Castafiore le fait pivoter sur lui-même. Poussé vers le prêtre qui n’en peut plus, Georges entend la cantatrice lui souffler :
Carino Belgo moi, jure-moi de ne jamais rien dire à personne ! Jure-le !
Levant la main, comme le jour de sa « promesse » scout, l’index et le majeur tendus vers le ciel, Georges lance gravement : « Je le jure ».

Les Aventures d’Hergé, par Bocquet, Fromental, Stanislas. Éditions Reporter, 1999.
FIN

Textes tirés de La Castafiore, biographie non-autorisée, d’Albert Algoud. Chiflet & Cie, 10 euros.
© Chiflet & Cie


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