Les + du blog : LE COCORICO DE PANINI
Pour Panini Comics, qui fêtera en février ses dix ans, son contrat avec les lecteurs français de comics -premier marché hors Etats-Unis- est rempli et bien rempli : «Nous avons sorti plus de 2600 ouvrages, dont 345 en 2006, pour un total de trois millions d’exemplaires vendus» affirme Marc Lupoï, directeur éditorial. Et le détenteur des licences Marvel, DC, Wildstorm, Vertigo et Virgin de se féliciter : «Aujourd’hui le lecteur français lit la quasi-totalité de la production US (900 comics par an) et cela en moyenne dix mois après le lecteur américain. Ainsi Civil War, l’événement Marvel actuel, sorti en mai aux Etats-Unis, paraîtra en mars prochain en France.» Cerise sur le gâteau, Panini Comics présente enfin une histoire de superhéros réalisée par une équipe française. Il était temps. Ce projet, dont on parlait déjà à Angoulême 2004, commençait à concurrencer sérieusement l’Arlésienne…
Saudade par Buchet et Morvan, 48 pages, 12,80 euros. Edition collector, 56 pages, + un CD deux titres de DJ Dolores, 19 euros.
Croquis préparatoires de Philippe Buchet.
MORVAN : «WOLVERINE, UN HEROS QUI TRANCHE»
La censure, quelle censure? En présentant Saudade, premier album de la collection Transatlantique de Panini dont le but est de confier des superhéros américains à des équipes européennes, Morvan et Buchet (Sillage) ont remis quelques pendules à l’heure. Oui les Français ont dû enlever son cigare à Wolverine. Mais Morvan grand fan de comics savait évidemment que, depuis des années, Wolverine ne pouvait plus sucer que des glaçons, encore qu’il préfère la bière au malt. Oui, il leur a fallu gommer la zigounette de Wolverine en petite tenue sur une plage. Mais là encore rien de bien nouveau sous le soleil Marvel. Marc Lupoï, présent à la petite sauterie organisée à Paris pour la sortie de Saudade, raconte qu’il a connu pire. «Dans son célèbre Arme X *, Barry Windsor-Smith avait dessiné un Wolverine à poil de la première à la dernière case. Il a dû le rhabiller entièrement. Sur 128 pages…»
«On ne peut pas montrer de zigounette, mais on peut massacrer autant de gens qu’on le désire, résume Morvan. Vu les tueries qui se déroulent dans Saudade, nous étions un peu inquiets. Sans raison. Curieusement, des auteurs américains, dont Jim Lee, ont été très surpris de voir sur nos planches des ennemis de Wolverine découpés en tranches sanguinolentes. C’est pourtant évident! Wolverine dispose de trois lames-sabre, et des lames-sabre, ça tranche. Les Américains, assez jaloux, disaient n’avoir pas le droit de dessiner ce genre de choses. Je ne vois pourtant pas un éditeur refuser cela à Jim Lee! Peut-être ces scènes ne viennent-elles tout simplement pas à l’esprit des auteurs.»
Oui, il peut y avoir de l’autocensure commente Marc Lupoï avant d’ajouter un bémol : «Les gens de Marvel, s’ils n’ont aucun problème avec la violence, ont laissé passer dans Saudade des choses qu’ils n’accepteraient pas dans leurs propres comics. Ainsi le discours d’un jeune Brésilien affirmant, tout fier, que sa bande élimine tous les Américains qu’elle rencontre. Les Européens peuvent lire des choses pareilles, pas les Américains.»
Quand Wolverine s’en paie une tranche.
En revanche, Morvan et Buchet gardent un souvenir mitigé de l’attente qui précéda l’acceptation du projet. «Un an et demi, c’est long.» Lupoï tempère. «On a amené à Marvel trois ou quatre projets à la fois. Ils ont donné leur accord au coup par coup, en prenant le temps de les étudier. Les premiers auteurs européens ont essuyé les plâtres. Cela devrait aller plus vite pour les suivants.»
Les deux Français étaient-ils tenus en laisse courte? «Non, répond Marc Lupoï. Après avoir approuvé leur scénario, les gens de Marvel ont regardé les crayonnés et fait très peu de commentaires à part sur le cigare et la zigounette. Les auteurs américains, contrairement à ce qu’on croit, ont une grande liberté, il est très rare que les éditeurs interviennent.»
Morvan était quand même prié de laisser Wolverine dans l’état où on le lui avait confié. «Il était difficile de le montrer à notre époque. Qui sait ce qu’ont concocté les scénaristes pour l’après Civil War, l’opus en cours? Nous avons donc choisi de le faire évoluer dans les années 80. Et notre histoire ne devait laisser aucune trace dans la continuité. J’aurais aimé envoyer un jeune mutant brésilien s’instruire et se reconstruire à l’institut du professer Xavier. Cela m’étant impossible, j’ai dû trouver une astuce. Mon protégé brésilien va bien chez Xavier, mais pas en tant qu’élève…»
Dessine-t-on un comics comme un album franco-belge? «Je me suis restreint à 7-8 cases par page au lieu des 9-10 de Sillage, raconte Morvan. Cela dans l’éventualité d’une sortie au format comics aux Etats-Unis.» Philippe Buchet : «J’ai eu davantage de liberté puisque j’avais moins de choses à mettre dans une seule planche. Je suis un grand fan de Risso et, sur les premières pages, on devrait sentir mon envie de lui rendre hommage. Ensuite, avec la pression sur la date de sortie des planches, j’ai travaillé comme sur un Sillage, en beaucoup plus fluide.»
En combien de temps fut dessiner Saudade? Hésitant un peu, Buchet lâche «Trois mois.» Puis : «Deux mois et demi. Un mois et demi pour les crayonnés, un mois pour l’encrage. Tiens, c’est juste la cadence des auteurs américains…»
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* Paru en 1998, dans la collection Comics Culture. Une œuvre forte curieusement jamais rééditée.
JEUDI, UNE INTERVIEW DE SEBASTIEN DALLAIN :
Les ventes Panini en kiosque et librairie, c’est fifty-fifty
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