Les + du blog : Philippe Geluck (3/3)
À vos rangs, X !
Après ses lettres ouvertes adressées à Bernard Lavilliers et Ségolène Royale lors de Vivement dimanche prochain sur France 2, voici comment Philippe Geluck, l’auteur du Chat, béatifie le plus grand des acteurs français, l’inoubliable interprète de Rocco Siffredi et ses frères ou encore de l’éternel Gland des siciliens.
Cher Alain Delon,
Bon, jusqu’ici, ça va… Je dis ça, parce que vous n’imaginez pas comme c’est impressionnant de vous écrire. Et Dieu sait si j’ai écrit des lettres à des gens importants : des acteurs, des chanteuses, une baronne, un amiral, une impératrice… et même, il y a une quarantaine d’années, au Père Noël, c’est vous dire ! Mais à vous, c’est différent. C’est comme si on écrivait au Dalaï-Lama, au Pape, ou mieux, à son supérieur hiérarchique direct. Vous voyez de qui je veux parler ? À des personnes comme celles-là, on n’écrit pas n’importe comment ! Comme ça, sur un coin de table, le mégot aux lèvres. Non ! On se lave les mains et on tourne sept fois sa plume dans l’encrier avant de rédiger la première ligne, on fait un brouillon et on cherche la formule à adopter :
Cher Monsieur Delon… Un peu sec…
Cher Lainlain… Un peu familier…
Ô Toi, le plus grand de tous les grands, Toi, dont le seul nom évoque à la fois la grâce, la force, le talent, la France… Un peu trop cire pompes, quoique je pressente que ça ne doit pas vous déplaire totalement…
J’ai finalement choisi « Cher Alain Delon », ce qui me semble être, tout réfléchi, ce qui vous correspond le mieux.
A ce stade-ci, vous devez être en train de vous dire : « Mais bon sang ! Est-ce qu’il va la commencer sa lettre, cet abruti ? »
A quoi je vous répondrai, d’une part, que si vous m’interrompez tout le temps, on n’y arrivera jamais et d’autre part, que je ne vous autorise pas à me traiter d’abruti, attendez au moins la fin de la lettre !
Cher Alain Delon,
Comment ne pas être impressionné de se retrouver face à la moitié de l’histoire du cinéma. Les frères Lumière (qui, je le rappelle aux jeunes téléspectateurs, sont morts d’une coupure de courant. Eh oui ! Ça a été très triste, la fin de leur vie aux frères Lumière : il y en a un qui avait des ampoules partout, ça lui a fait péter les plombs et, pouf, il s’est éteint. Et l’autre, qui s’appelait Claude-François Lumière, est mort dans sa baignoire, dans des circonstances mystérieuses). Les frères Lumière, disais-je, ont éclairé les débuts du 7e Art, vous en avez illuminé la maturité. C’est pas mal tourné ça, tiens ! Il y a des jours où je me demande parfois comment j’arrive à pondre des trucs pareils !
Mais revenons à vous, cher Alain, et à votre fabuleux parcours cinématographique. Nos plus jeunes téléspectateurs n’ont bien sûr pas connu vos débuts, ils ignorent sans doute que vous avez commencé par tourner du X :
– Rocco Siffredi et ses frères, de Visconti,
– En plein dans le soleil, de René Clément,
– Viens me jouer une mélodie dans le sous-sol, de Verneuil,
– Le gland des Siciliens, du même Verneuil et
– L’éjaculateur précoce, d’Edouard Molinaro… Ah ! Non ! Excusez-moi, on me signale qu’il s’agit de L’homme pressé. Oui, mais enfin ! C’est un peu la même chose, non ?
Ensuite, comme chacun le sait, vous avez enchaîné triomphes et chefs-d’œuvre, en côtoyant tous les genres :
– le film d’aventures, avec Les Aventuriers,
– le documentaire animalier, avec Le Guépard ou Les Félins,
– et la comédie, avec Zozzo, ]e veux dire Zorro.
Mais je ne vais pas non plus refaire la liste de tous les films que vous avez tournés, Michel l’a fait remarquablement cet après-midi.
Figurez-vous que ce n’est pas votre vie que nous avons vu défiler dans Vivement Dimanche, c’est la nôtre, car chacune de vos créations a marqué notre parcours, depuis Fantasia chez les Ploucs jusqu’au Lion.
Et ce n’est pas un hasard que vous vous intéressiez à ce point aux grands fauves car vous en êtes un vous-même : votre regard hypnotise vos proies, vous pouvez avoir la dent dure, vous avez dévoré la vie, certains ont voulu votre peau et de nombreux produits de luxe portent votre griffe…
Mais trêve de plaisanterie à deux balles, arrivons à ce que je voulais vous dire vraiment :
Cher Alain Delon,
J’ai toujours eu de vous l’image de quelqu’un d’extrêmement sûr de lui, voire arrogant. Cette image est en train de changer. Chez Fogiel, vous avez dit des choses qui m’ont ému, sur vous-même et sur les blessures de l’existence ; dans plusieurs interviews récentes, vous exprimez vos doutes, vos angoisses et vos fêlures, et je me demande si toute la sensibilité qui est en vous et que vous avez toujours utilisée dans votre métier d’acteur, n’est pas en train de tout doucement déteindre sur le bonhomme.
Il y avait ce Delon charmeur, fort et infaillible qu’on aimait admirer. Je me demande si un autre Alain n’est pas en train de naître, profond et sensible et qu’on aimerait aimer.
FIN
Extrait de Oh toi le Belge ta gueule ! par Philippe Geluck, préface de Michel Drucker, Casterman, 14,95 euros.
© Philippe Geluck, Casterman.
Lire les autres dossiers : 1/3, 2/3
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geluck-
Mort de rire, c’est la première réaction qui me vient à l’esprit après la lecture de cette lettre à Alain …
Je ne me souvenais l’avoir vu ou entendu le jour où c’est passé à la TV, mais je suis content d’en avoir pu la « relire », j’en ai encore les larmes aux yeux tellement je riais tout seul !Trop fort ce Geluck (tout comme son « patron » Ruquier !)
Gégé
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Mort de rire, c’est la première réaction qui me vient à l’esprit après la lecture de cette lettre à Alain …
Je ne me souvenais l’avoir vu ou entendu le jour où c’est passé à la TV, mais je suis content d’en avoir pu la « relire », j’en ai encore les larmes aux yeux tellement je riais tout seul !Trop fort ce Geluck (tout comme son « patron » Ruquier !)
Gégé
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loool merci bcp !!!!
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loool merci bcp !!!!
Commentaires