Par Martin Romero. Atrabile, 26 €, le 14 juin 2012.

Pas facile de grandir. Surtout quand on est un petit garçon à grosses lunettes, dont la mère vacharde est allée convolée ailleurs, laissant un père (déjà terne) abattu et désarmé. Alors, comme tant d’autres, le jeune anti-héros de cette chronique de l’adolescence se réfugie dans des rêves, laisse son esprit vagabonder entre les objets de son enfance et les planches de sa nouvelle maison… Jusqu’à ce qu’il trouve quelque chose à partager avec la jeune voisine d’à-côté, bien plus délurée que lui…

Si le sujet même de cet album n’est pas original, son traitement graphique et narratif, lui, emporte l’adhésion. Car, page après page (et il y en a 328!), l’Espagnol Martin Romero compose un univers singulier fait de peu de mots mais de belles évocations imagées. Son travail du noir et blanc tout en contraste, évoquant parfois la technique de la carte à gratter, lui permet d’emprunter au genre cartoon pour mieux ouvrir son récit. Ainsi, jamais à l’étroit dans son format carré, il s’amuse avec la mise en page, joue avec les gaufriers, les mini-strips ou les grandes illustrations. Et même si les événements narrés sont classiques (les humiliations par les terreurs de l’école, les mornes après-midi de pluie, les premiers émois sexuels…), le lecteur ne s’ennuie jamais. Car il accompagne les protagonistes dans leur monde semi-onirique à tiroirs, plein de surprises et d’envie de vivre. Au coeur de ce livre, en bonne partie réalisé en résidence à la Maison des auteurs d’Angoulême, on retrouve les petite joies, grosses trouilles, rires aux éclats ou détresse nocturne, toutes les émotions d’un petit garçon qui grandit tout seul et qui apprend à affronter la vie. Un bel ouvrage, luxueusement édité (cartonnage, dos toilé) par les toujours exigeantes éditions suisses Atrabile, qui ont, encore une fois, déniché un talent rare.

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