Les Filles de Montparnasse #3
Quartier de Montparnasse, 1874. Garance, jeune artiste en mal d’inspiration et de reconnaissance, peindrait bien une crucifixion à la place de ses fades natures mortes. Recontactée par Blanchart, Amélie, elle, veut retrouver une forme d’innocence, quitte à rejoindre un groupe d’ardentes féministes. Rose-Aymée, modèle, dévoile quant à elle son passé de femme de « petite vertu »…
Avec ce troisième album intitulé « Les jupes noires », Nadja affine sa peinture de quatre destins féminins, dans le Paris des artistes de la fin du XIXe siècle. Avec un plaisant mélange d’impertinence et d’anachronisme, dans les mots et le ton, l’auteure compose une fresque captivante et réaliste sur les passions et sentiments à l’épreuve du temps. Ces jeunes et belles artistes, naïves ou désenchantées, indépendantes ou fragiles, sont en quête d’une libération par l’Art ou l’amour. On les suit, elles tâtonnent, hésitent, se confrontent à la domination des hommes et aux limites imposées par l’inertie de leur temps. Toujours traversé par une dramaturgie inquiétante nourrie d’interrogations existentielles ou féministes, ce volet creuse les ombres du passé de Rose-Aymée et son insolente liberté, souligne la honte de Garance face à son désir, les doutes ou déceptions de ses héroïnes, leurs excès aussi. Les personnages, les caractères et les époques se croisent alors pour mieux souligner la lente métamorphose de chacune.
La réalité crue qui en résulte, faite de sentiments contrariés, est à l’image du graphisme, splendide. À la gouache, Nadja cultive une esthétique picturale de toute beauté, s’appuyant sur des tons mats d’une lumineuse mélancolie, au service d’une fresque historique intimiste ancrée dans la plus grande modernité. Joli paradoxe. Au final, un récit dense et expressif, tout à la fois tableau d’époque et réflexion sensible sur le pouvoir et la réalisation de soi. Et lorsque les (fausses) certitudes vacillent sur l’autel des ambitions, on n’a qu’une hâte, c’est de connaître la fin…
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