Les Filles n’ont pas de banane
Décédé en 1987, Copi est régulièrement évoqué par les nostalgiques de Charlie Mensuel, d’Hara Kiri et de l’esprit de liberté des années 1970. Souvent citées, ses bandes dessinées sont reconnues comme majeures mais quasiment plus éditées depuis sa mort, à l’exception du très bon Un livre blanc, chez Buchet-Chastel en 2002. Ainsi, alors que son théâtre – brillant – est régulièrement monté avec les honneurs, le souvenir de ses BD s’estompait peu à peu.
Depuis longtemps, les éditions Cornélius parlaient de rééditer le travail de ce pionnier du minimalisme, forgeron d’une bande dessinée du dialogue à l’abord innocent mais au ton féroce. Réfugié en France pour fuir la dictature argentine, homosexuel assumé quand c’était encore un délit, Copi réalise nombre de bras d’honneur à la bien-pensance dans les quelques 272 pages de cette anthologie finalement édité chez Olivius, label co-géré par Cornélius et L’Olivier.
Fantasque, exubérant, mais profond. Tel se révèle Copi dans cette somme brassant toutes ses années de création et comptant pas moins d’un bon cinquième d’inédit. Tout à tour, la fameuse femme assise répond aux question de sa fille, de poulets, de cochons… On y croise aussi la mort, une ménagerie, des vieux amis. Tout en subtilité, Copi assène des répliques percutantes mais aussi de magnifiques silences, quand soudain tout s’arrête et que le lecteur décrypte la pesanteur.
Copi est un dialoguiste hors-pair mais aussi un grand dessinateur. Parfois, c’est avec un très léger mouvement, un petit trait de rien, que tout bascule. Auteur multi-formel, il n’avait pas que la bande dessinée pour s’exprimer et l’utilise donc à bon escient, sachant incarner pleinement les échanges qu’il met en scène. Le coup de crayon de Copi est à l’image de son esprit : vif, libre, élégant et éloquent. Pas de décor mais du sens, du questionnement, et une résonance toujours actuelle pour des propos qui ont parfois plus de quarante ans.
Joliment présenté dans une maquette sobre, le livre bénéficie d’une préface enthousiasmante de Delfeil de Ton et d’une chronologie, réalisée par David Amram et Gwendal Rannou, retraçant les multiples vies de l’auteur. Des textes courts mais complets, qui permettent de mieux contextualiser l’œuvre et sont essentiels dans tout bon travail patrimonial. Il manque juste un sommaire précis, permettant de situer chaque planche et de démêler l’inédit du reste. Un bien petit reproche pour un ouvrage plus que jamais nécessaire en ces temps où les conservatismes reviennent au galop.
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