Par Philippe Squarzoni.
Delcourt, 14,95 €, le 10 septembre.

Le jeune Brice est l’un de ces poètes capables de s’émouvoir devant une pâquerette éclose sur un tas de gravats. Pour lui, la poésie est une vue de l’esprit, peut-être erronée, mais qu’il serait dommage de rectifier avec des verres correcteurs. Elle permet de reluquer la misère sans désespérer. « Tu vas à nouveau philosopher sur les pissenlits! », le tance l’un de ses potes de vagabondage. Quand tout, autour de lui, se délite au rythme des embrouilles entre voyous, Brice entretient des rêves d’albatros. Personnage discret de l’album Les Âmes sombres du Bruxellois Marc Vlieger, il déploie ses ailes dans ce nouvel opus. Ce polar urbain est bâti sur un drame familial : Henri, un gamin funambule, aurait provoqué l’accident mortel de son frère en jouant sur un pont. Hantée par le fantôme du disparu, cette chronique explore sans concession le monde des marginaux, condamnés aux combines. Âpre, sombre mais jamais totalement désolée, cette peinture réaliste d’une bande d’éclopés de l’existence noue l’estomac.

Pascal Paillardet