Les Grands Espaces
Catherine Meurisse est décidément éclectique. Capable d’égrainer d’hilarantes Scènes de la vie hormonales, de raconter de façon bouleversante sa difficile cicatrisation mentale (La Légèreté) après le massacre en 2015 à Charlie Hebdo – dont elle fut l’une des dessinatrices –, ou encore d’imaginer une comédie musicale au musée d’Orsay (Moderne Olympia). Dans Les Grands Espaces, c’est un retour en enfance qu’elle propose, une balade intime dans la campagne du Poitou, où ses parents achètent une bâtisse lorsqu’elle est gamine. Surtout, ses géniteurs s’emploient à créer un jardin plein d’âme, où chaque arbre, chaque légume, semble doué de vie ou de valeurs. Un endroit où le mot le plus souvent prononcé est « bouture » ! La petite Catherine et sa soeur Fanny sont fascinées par l’ancienneté des murs, jouent à « Barbie dans la fiente » dans les futurs WC que compte construire leur père, inaugurent un musée – payant – avec des morceaux de squelettes dégottés ici ou là, cherchent des coins pour rêver à l’ombre…
On peut parfois se perdre dans les références prégnantes de l’autrice, qui cultive de manière familiale le goût du verbe proustien, ou des pages de Pierre Loti. Mais difficile de ne pas céder au charme de son trait devenu plus rond, gaiement coloré, toujours piquant. Poétique quand elle loue cet endroit où « la merde sent bon ». Enthousiaste quand elle décrit une visite au Louvre. Drolatique quand elle se montre envoûtée par les végétaux, totalement insensible aux tentatives grivoises des pré-ados du coin. Fantaisiste quand elle fait parler un nain (de jardin). Avec elle, on se perd bien volontiers dans « sa » campagne, cette « ludothèque qui s’ignore ».
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