Les Incrustacés
Ils sont deux touristes peu ordinaires en vacances dans une station balnéaire élégamment surannée. Deux doux dingues qu’on pourrait croire enfuis d’un asile, ou de lointains cousins – en moins bavards – des Deux du balcon de Francis Masse. Il y a le narrateur, froussard invétéré et par conséquent misanthrope, qui se creuse un trou dans la plage pour être tranquille. Et il y a M., clown gouailleur avide de rencontres et d’aventures. Et quand il met la main sur un petit chalutier, les voilà partis pour une épopée aux frontières du rêve…
Point de bulles ni de cases dans cette imposante bande dessinée de 168 pages, mais des textes narratifs ou dialogués, relativement nombreux, placés sous de somptueux dessins mis en page avec légèreté. Un choix judicieux pour se plonger confortablement dans cette histoire aux allures de longue nouvelle fantastique, convoquant Lewis Carroll ou Edgar Poe. Tableaux oniriques, rebondissements improbables, personnages hauts en couleur décrits par le regard déformant d’un narrateur pas bien net dans sa tête… Tout ici est surprises, réjouissances visuelles, aventures drôles ou inquiétantes, délire totalement maîtrisé par une auteure qui ne se laisse jamais emporter par le tourbillon qu’elle crée. Avec son trait de plumes aux mille hachures (évoquant les gravures des vieux livres d’images), les formes qu’elle dessine (les peintres surréalistes, Ernst ou Tanguy, auraient pu s’y retrouver), sa science du mouvement et de l’anatomie, son talent pour le non-dit et, évidemment, son imagination fourmillante, Rita Mercedes tient bon la barre de son conte aquatique qui fera voyager le lecteur loin des sentiers battus de la BD classique. Une des plus belles surprises de l’année, sans aucun doute.
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