Sur un littoral, un tuyau plonge dans l’eau. Ce tuyau devient pipeline, alimenté par d’autres plans d’eau, certains déjà à sec. Le pipeline court à travers des plaines nues qui se révèlent être des fonds marins asséchés. Enfin, le réseau de tuyaux arrive à sa destination, une usine de traitement qui conditionne l’eau en bouteilles et en containers à destination de la Lune. C’est là que se sont réfugiés les puissants, laissant la Terre mourante à la plèbe.

De ce postulat écologico-dystopique assez peu original pour qui aura lu un peu de SF dans sa vie, Nicolas Presl tire une histoire de rébellion, de famille et d’amour, là encore déjà vue, déjà lue. Mais le véritable intérêt des Jardins de Babylone est ailleurs : dans son traitement, entièrement muet, son découpage, en gaufrier de quatre cases, et dans son rythme, volontairement lent. Dans un trait limpide et hyper expressif, aussi.

Certes, ces choix ne vont pas sans quelques écueils : certains passages importants pour le scénario manquent de clarté, le découpage peut vite paraitre répétitif et certaines scènes contemplatives peuvent casser le rythme. Cependant, en prenant le temps d’une (re)lecture attentive, on découvre certains détails qui en disent long, on prend plaisir à suivre les digressions (pourtant nombreuses) qui construisent un univers cohérent, et on finit par mieux identifier les personnages, leurs problématiques, leur buts.

Les Jardins de Babylone est une BD plus exigeante qu’il n’y paraît, mais pas hermétique pour qui prendra le temps de s’y plonger.