Les Liens du sang #4
Nous le soulignions dans notre chronique du premier tome, le mangaka est un adepte de la montée en puissance progressive après la mise en place de tous les acteurs et enjeux de son récit. La relation entre Seiichi et sa maman étant à présent clairement posée, par la peur et par des actes concrets qui montrent que cette femme souhaite garder son emprise sur sa progéniture, le mangaka déroule un volume qui sera un tournant dans la vie de ce jeune garçon. Un opus d’une intensité et d’une tension mémorables. Certainement l’un des plus réussis de la carrière de Shūzō Oshimi.
Car une œuvre de Shūzō Oshimi, ça se lit, ça se ressent, ça se vit et ça s’admire, et cette série certainement encore plus que les autres. Tout d’abord parce que toute l’histoire repose sur des non-dits, des sensations et des souvenirs étouffés qui ressurgissent inexorablement sur cet adolescent en pleine construction de sa propre identité. Mais également parce que le mangaka n’a jamais été autant dans la réserve, la retenue et le contrôle, alors que paradoxalement il n’en a jamais fait comprendre, ressenti et dit autant.
Outre cette narration laissant plus de place au ressenti qu’aux mots, les planches de l’auteur abasourdissent. N’y cherchez pas les trames – trop souvent attribut inévitable du manga moderne -, il s’en est éloigné depuis l’apogée de Happiness. Le travail graphique minutieux sur ses planches est remarquable. C’est du fait main, c’est du tangible et c’est incroyablement vivant. La luminosité de certaines pages répond à la noirceur des autres, la précision des unes renvoie à la folle terreur des autres. Sa myriade de hachures, ses décors, ses visages, ses dégradés, ses yeux, ses envolées graphiques, la beauté de ses pleines et doubles pages… Tout interpelle et sert à dessein l’angoisse de cette relation méphitique.
CHI NO WADACHI ©2017 Shuzo OSHIMI / SHOGAKUKAN – Traduction : Sébastien Ludmann
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