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Les Mystérieux Voyages de Cornelius Dark

24 mai 2022 |
SERIE
Les Mystérieux Voyages de Cornelius Dark
DESSINATEUR(S)
SCENARISTE(S)
EDITEUR(S)
PRIX
29 €
DATE DE SORTIE
10/01/2022
EAN
B09FCCLGTD
Achat :

cornelius-dark_image1 Après Qui a peur des contes de fées ?, Revival publie cette autre collaboration entre le pape de la BD Argentine Alberto Breccia et un alors jeune scénariste nommé Carlos Trillo. Contrairement au titre pré-cité, celui-ci est entièrement de noir et de lavis. Comme l’explique Vladimir Lecointre dans une préface érudite, Breccia était déjà un maître reconnu du noir et blanc, et voulait essayer autre chose : d’où ce gris et, surtout, ces textures très présentes dans le dessin. Volontiers grotesque, au sens des corps déformés aux accents expressionnistes, il porte des planches magnifiques où un dessin subtilement réaliste accompagne des scènes d’actions quasi croquées.

Il faut dire que Cornelius Dark est taillé sur mesure pour le dessinateur, qui avait passé des années à réaliser des récits de commandes et à donner des cours et souhaitait faire tout autre chose. Dans tous ses entretiens, Breccia ne fait que dire qu’il craint l’ennui et refuse tout style, considérant que chaque histoire, chaque projet, se doit d’avoir son dessin. Et justement, Cornelius Dark lui permet d’expérimenter diverses approches.

Récits fantastiques, les six histoires composant le livre, jusqu’ici inédites en France, mettent en scène un vieil homme (motif « breccien » récurrent) prisonnier, qui tente sans cesse de s’évader, et est régulièrement envoyé au mitard. Au début du premier épisode, il cherche une manière de fuir encore, et se retrouve physiquement projeté en pleine guerre entre soldats chinois et mongols, le long de la Grande Muraille, des siècles plus tôt. Après ce voyage et avoir résolu un drame amoureux, il retourne dans sa cellule, ignorant s’il a réussi sa projection physique ou s’il n’a que rêvé. Pouvoir de l’imagination ou réel talent surnaturel ? La réponse n’est jamais tranchée, mais Dark se met à courir derrière l’isolement pour voyager ainsi tant qu’il peut.

Seul besoin pour ces voyages ? Penser à un objet, qui permet d’incarner un environnement. Parfois, un souvenir suffit, parfois un gardien plus sympathique que d’autres lui glisse un livre. D’un bordel sans gloire à l’assassinat de Marat, en passant par la réécriture d’une nouvelle de Bierce lors de la Guerre de Sécession, Dark promène sa silhouette et Breccia martèle graphiquement, rompant une scène par un noir brut, use de collages (qui prendront ensuite une grande part dans son œuvre), se laisse aller à des arbres noueux et des décors suintants… Et encore, les originaux ayant été volés (ce qui a longtemps condamné la série), la qualité des images ne peut être optimale. Mais les films d’une vieille revue qui ont permis cette édition sont là et corrects, et c’est tant mieux.

Pour réussie qu’elle soit, la série – clairement anticarcérale, ce qui n’est pas anodin lors de sa création en 1977 (elles n’est sortie en Argentine qu’en 1983, à la fin de la dictature) – ne connaît que quelques épisodes. S’ils sont peut-être plus classiquement écrits que de futurs travaux des deux auteurs, ils portent en eux les débuts de la libération du dessinateur, et sont passionnants à lire autant pour leur contenu que comme pièce d’Histoire.

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