Les Noceurs ***
Par Brecht Evens. Actes Sud, 22 €, janvier 2010.
Gert est un type gentil, mais souffre d’un manque d’ambition et de confiance en soi à la limite du maladif. Et aussi d’une grande solitude. Qui se révèle aux yeux du lecteur lorsqu’il invite ses anciens camarades de lycée dans son petit chez lui : personne ne lui parle vraiment et tout le monde attend impatiemment Robbie, le type le plus populaire de la ville, qui aurait promis de passer…
L’illustrateur flamand Brecht Evens réussit le tour de force de mêler la description réaliste des relations entre jeunes adultes (vrais amis, vieilles connaissances, meilleures copines…) et les rêveries les plus folles. Le tout dans un graphisme somptueux, tout en couleurs et en transparence. Ses personnages naviguent dans ses pages en toute liberté, sans contrainte de cases, se promènent tantôt sur une surface immaculée, tantôt dans des décors noyés de teintes magnifiques. La porte des possibles s’ouvre en grand pour les personnages, mais, hélas, il est difficile de se dire qu’on peut vivre son rêve, qu’on peut vivre dans un rêve. Et pourtant, c’est peut-être la seule manière d’éclairer son existence… Le ton de cet étonnant one-shot se fait ainsi parfois amer, mais jamais très longtemps: comme dans une farandole interminable, la tristesse laisse rapidement la place à la joie, et les sentiments se mélangent tels les couleurs superposées de Brecht Evens. On se plonge donc dans Les Noceurs comme dans une longue nuit d’ivresse, avec des moments d’euphorie, de mélancolie, de nostalgie et d’espoirs insensés.
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