Joanne a 10 ans. Comme toute préado, elle prend petit à petit conscience des enjeux environnementaux, de la disparition de très nombreuses espèces d’animaux, que les cultures intensives entraînent la déforestation et que tout cela est loin d’être sur le point de s’arrêter. Avant qu’il ne soit trop tard, son papa Julien Frey (Monsieur Apothéoz) veut réaliser le rêve de sa fille : voir des animaux dans leur milieu naturel et se rendre compte de la réalité écologique en se rendant sur le terrain. Ce sera chose faite début 2020 : Julien et sa fille partent à l’autre bout du monde pour découvrir les animaux en voie de disparition aux côtés d’un biologiste de l’Université de Liège. Direction l’Indonésie pour observer les éléphants, les tigres, les dragons de Komodo, les requins et quelques autres représentants des 300 000 espèces d’animaux que compte le pays !

Récit autobiographique riche en informations sur la faune et la flore locale, sur l’impact des décisions politiques, économiques à l’échelle locale ou mondiale, Les Sauvages est instructif sans être barbant, intéressant sans être trop pointu. Déstabilisant au départ, leur voyage ne sera finalement pas vraiment celui auquel ils avaient pensé, car ils ont eu beau partir avec des idées plein la tête, ils ne cesseront pas d’être surpris sur place. Cela permet de les remettre judicieusement à leur place de simple être humain, mais également de se rendre compte que tous les écosystèmes sont bien plus complexes et impactés que ce que l’on imagine.

Retrouvant Nadar avec qui il a travaillé à plusieurs reprises (Fatty, L’Œil du STO, …), Julien Frey profite d’une complicité éprouvée pour livrer son vécu avec naturel et confiance. Avec son graphisme souple et vivant, le dessinateur espagnol s’empare de cette histoire avec bienveillance. Du dépaysement à la découverte en passant par des désillusions, Les Sauvages est aussi l’histoire de la transmission et d’une nouvelle génération qui devra s’emparer plus que jamais de tous les enjeux environnementaux qui ont été repoussés jusque-là par les pouvoirs décisionnaires. Bien rythmé entre le suivi de leurs expéditions, l’exposé que prépare Joanne pour son retour au collège, les passages intimistes, les différents apports scientifiques et l’évolution progressive de l’épidémie de coronavirus en toile de fond, ce volume fait son office : être accessible, tendre vers l’universalité et ouvrir les yeux sur un monde changé à jamais, par une seule et même espèce, en l’espace de quelques années.