Les Sentiers du Nirvana
Montagnes du Tibet, scène 1, des moines bouddhistes récitent un mantra de paix. Derrière les rideaux les couteaux s’aiguisent… Tel est le point de départ de ce portrait violent, brutal, primitif d’un Tibet post-indépendance, empêtré dans des conflits de chapelles (pardon, de temples).
« La bêtise au nom de la religion » est le cœur de ce monstre de BD crée par Mark Hendriks. Cet auteur néerlandais n’est pas de ceux qui voient le bouddhisme comme une religion inoffensive. Du mal, il y en a à chaque détour des Sentiers du Nirvana. Nous en découvrons tous les aspects en marchant dans les pas de deux esclaves, envoyées par leur maître à la recherche d’un guérisseur. Ces femmes vont accomplir un périple inimaginable, rencontrer des mâles de toute sortes, tous aussi fêlés et malfaisants les uns que les autres.
Le scénario est d’une remarquable efficacité, alternant des scènes de beauté édénique avec leur pendant des enfers. Crimes, rebondissements, et envolées oniriques font la part belle à la créativité de l’auteur. Et pourtant, sous une débauche de sensualité, où le sexe et la mort se chevauchent gaiement, on sent une sorte de réalisme magique, d’un sujet géopolitique documenté et digéré. Ceci est confirmé par l’impressionnante série de références présentées à la fin.
Son sujet, Mark Hendriks le maîtrise et se livre sans retenue au plaisir d’en faire une peinture exaltée, de brosser à grand coups de pinceau, ici une montagne, ici un lac. Arbres, feuilles, corps, crânes, symboles, costumes apparaissent comme par magie dans les contrastes de ses noirs et blancs.
Que l’on se sente concerné ou pas par cette vision apocalyptique d’un Tibet libéré, la dramaturgie et la beauté des planches vous entraînent toujours plus loin. Et si on ouvre ses chakras, on verra peut-être, dans cette charge contre l’utopie du religieux, un sujet assez présent dans l’actualité du monde moderne.
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