Après trois tomes convaincants, le duo Xavier Dorison/Enrique Breccia revient avec ses trois Sentinelles, Taillefer, Djibouti et Pégase, super-soldats d’un genre nouveau propulsés au cœur de la boucherie que fut la Première Guerre mondiale. Direction les Dardanelles début 1915, où les Alliés veulent forcer le détroit, contrôlé par les Allemands et les Ottomans. Oui mais voilà, un peu précipitée, l’expédition est vouée à l’échec, même Taillefer semble le penser. D’autant qu’en face, le professeur Offenstadt prépare la riposte avec Cimeterre, une nouvelle Sentinelle équipée pour détruire l’acier…

Partant d’un fait historique réel – l’expédition des Dardanelles qui entraîna la démission de Churchill, premier Lord de l’Amirauté –, le scénariste Xavier Dorison extrapole ensuite à partir des Sentinelles, traumatisées et résignées dans cet épisode, illustrant le rôle de la technologie et de la science dans cette guerre tout en les critiquant par un plaidoyer pacifiste. Encore une fois, le tome est réussi. Les héros d’acier s’interrogent, combattent malgré eux. Et si l’histoire est connue, Dorison tisse malgré tout une intrigue d’aventure à rebondissements, prenante et touchante. Un bel équilibre porté le dessin stylisé d’Enrique Breccia, digne héritier de son père (Alberto, L’Eternaute). Expressif, puissant et précis, il image la cruauté d’un combat ou la violence d’une attaque, rendues spectaculaires par des cadrages au cordeau ou d’impressionnants plans pleine-page. Seul bémol, l’ajout de photos d’époque qui n’apportent pas grand-chose. Car malgré la fiction tissée, le récit affiche un naturalisme historique d’une force rare. Une bonne série qui ne s’essouffle guère.