Les Voyeurs
L’auteure indé anglo-américaine Gabrielle Bell s’épanche ici dans un carnet intime, découpé en courts récits parus sur différents supports : site de l’auteur, anthologie Lucky, McSweeney’s ou encore Best American Comics. Entre Paris, le Sud de la France, San Diego ou encore New-York elle narre une vie passée à s’interroger sur le sens des choses : les relations de couple structurées par les disputes, l’inspiration au point mort d’une auteure en plein doute, les us et coutumes (hug américain vs kiss à la française), le rapport à autrui, sans toujours comprendre ou trouver les réponses… De façon plus personnelle et sans pudeur mal placée, Gabrielle Bell nous introduit dans une conscience où la tristesse lancinante se mêle de crises paranoïaques (voir l’épisode du judas), où les pensées torturées succèdent aux états d’anxiété, examinant le plus souvent un sentiment de gâchis ou l’ignorance d’un talent bien réel. En proie à la solitude au cœur de citadelles urbaines malgré la présence des autres ou l’impression de faire corps avec le paysage via le dessin, l’auteure exprime un malaise avec cette idée de ne pas savoir où aller, conjuguée à une insatisfaction permanente : « Je ne supporte ni d’être seule ni la compagnie des autres. »
On aurait pu craindre un égocentrisme lassant et étouffant, mais l’écueil est évité car la part accordée au rapport à l’autre et au voyage dépaysant est grande. Le résultat est ainsi attachant malgré le ton doux-amer et des planches souvent surchargées, où le dessin, seulement éclairé par des couleurs délavées, remplit son office. Pas loin de Daniel Clowes dans l’esprit, Les Voyeurs intéresse par le ton personnel même si l’on aurait aimé un peu plus de folie ou d’humour (noir !) car les réflexions existentielles, souvent fécondes, s’étirent parfois dans des tirades bavardes. Seul vrai bémol d’une BD qui ouvre les portes d’un univers singulier.
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