L'Espion de Staline ***
Par Isabel Kreitz. Casterman, 16 €, janvier 2010.
C’est une histoire vraie, une histoire incroyable, romantique et terrible. Une passionnante histoire d’espion, pleine de doutes et de paperasse, loin des vodka-martini et des gadgets de James Bond. On y suit le Dr Sorge, officiellement journaliste allemand basé au Japon, proche de l’ambassade du Reich à Tokyo. Officieusement, il est à la tête d’un réseau d’informateurs communistes, en lien direct avec Moscou. Malin et bien informé, Sorge va même jusqu’à prévenir Staline de la date exacte de l’assaut allemand contre les forces soviétiques, en rupture du pacte de non-agression. Mais Staline ne le croit pas…
Voilà un étonnant récit, présenté comme un documentaire-reconstitution, avec les témoignages des principaux protagonistes face au lecteur. Le procédé fonctionne assez bien, et on est véritablement happé par le parcours étonnant de Sorge, alcoolique et coureur notoire, qui craque pour une pianiste allemande hébergée par le couple d’ambassadeurs. Car Sorge est un espion haut en couleurs, même s’il parvient à préserver sa couverture jusqu’au bout. Il boit, gueule fort, ne respecte pas la bienséance, mais il mène sa mission à bien. Cette personnalité atypique et son identité secrète en font décidément un véritable personnage romanesque, et son histoire d’amour avec la musicienne exilée ne fait que rajouter au tableau. Mais la réalité dépasse souvent la fiction, et un petit dossier documentaire en fin d’ouvrage vient nous rappeler qu’il s’agit bien là de faits réels. Le trait crayonné et réaliste d’Isabel Kreitz colle ainsi parfaitement à cette reconstitution, suffisamment précis pour être crédible, et avec la bonne dose d’expressivité pour ne pas ennuyer. Car c’était l’autre défi à relever : réaliser 250 pages sur l’espionnage au quotidien, c’est-à-dire 250 pages sur des gens qui parlent, se rencontrent, boivent l’apéro et écoutent du piano. Le pari est réussi, bravo.
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