L’Essai
À l’été 1903, Fortuné Henry prend possession des quelques terres peu accueillantes qu’il a acquises dans les Ardennes. Il débroussaille, défriche, draine, terrasse… Car cet ex-taulard a un rêve : fonder ici une nouvelle forme de société dans un idéal communiste. Plusieurs amis anarchistes viennent l’aider et peu à peu, la communauté grandit et se structure, laissant entrevoir qu’une autre façon de vivre, loin du joug de l’État, de l’Église ou des conventions, est possible. Mais est-ce suffisant ?
Après Le Tour des géants et L’Invention du vide, Nicolas Debon transporte sa peinture et ses pastels sur le terrain du politique, en narrant un fait historique qui a fasciné autant qu’effrayé à l’époque. Car l’initiative de Fortuné Henry, réfléchie et posée, secouait les fondements de la société française d’alors, et réveillait des solidarités humaines endormies par une trop longue soumission au pouvoir central. Avec justesse, distance et concision, Nicolas Debon décrit ce chantier colossal, montre la foi de ces hommes dans un progrès social mais aussi leurs doutes quant à la signification de leur geste. Est-ce une entreprise réaliste ? Ou une simple démonstration à visée idéologique, prémices à une révolution plus violente ? L’auteur ne tranche pas, mais donne à réfléchir. Et surtout, il en profite pour peindre la nature de fort belle manière, grâce à une palette d’outils bien maîtrisés et un choix de couleurs lumineuses et sensorielles. Chaque case est un petit tableau chaleureux et évocateur à admirer. Et L’Essai probablement le meilleur album de son auteur jusqu’ici.
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