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L’été indien de Jean Dufaux

2 octobre 2008 |

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Surtout, ne le comparez pas à une machine à écrire. Jean Dufaux, 59 ans, ne goûte que moyennement le parallèle avec ses collègues scénaristes prolifiques, tels Jean David Morvan ou Éric Corbeyran. Pourtant, l’auteur belge – à qui l’on doit, entre autres, Le Bois des vierges, Murena, Les Enfers, Jessica Blandy ou Niklos Koda – publie abondamment cet automne. Après le deuxième tome de l’exotique Croisade (dessiné par Philippe Xavier, voir critique), il poursuit ses séries – La Complainte des Landes Perdues avec Philippe Delaby, Djinn avec Ana Mirallès, Double masque avec Jamar… Tout en affirmant explorer toujours les mêmes thématiques, malgré les changements d’époque et de personnages.

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Comment faites-vous pour ne pas vous mélanger les pinceaux entre toutes vos séries en cours ?

J’écris comme on réalisait des films il y a trente ou quarante ans, à la manière d’un John Ford, d’un Vincente Minelli ou d’un Orson Welles, qui cumulaient les films à grande vitesse. Je ne fais pas partie de ces auteurs soit très sincères, soit très snobs, qui disent travailler dans la douleur. Et je me pose toujours les mêmes questions, que je cherche à résoudre dans la continuité d’une œuvre.

Quelles sont ces questions ?

Le rapport des hommes au temps, au pouvoir, comment ils s’y prennent pour colmater leur souffrances, et la place des femmes dans ce monde. J’effectue des croisements entre tout cela, et j’en tire un air populaire.

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Comment la série Croisade est-elle née ?

D’un croisement justement, avec le dessinateur Philippe Xavier. Le Lombard nous a mis en contact. Il m’a fallu quelques heures pour tâter le personnage, comprendre qu’il avait besoin d’une histoire pleine d’espace et de gestes héroïques. De mon côté, j’avais envie de mêler la force de l’Histoire aux contes des Mille et une nuits. Il m’a fallu deux ou trois mois pour mettre en place cet univers, qui s’étalera sur trois ou quatre tomes. Car moi que l’on dit prolifique, j’ai besoin de temps ! Mais une fois que les rails sont installés, le train roule vite.

Vous faites évoluer vos personnages dans des univers très divers : le désert des Croisés pour Croisade, l’Afrique tribale pour Djinn, l’époque napoléonienne pour Double Masque

Je navigue naturellement entre ces différents théâtres. Mes séries sont comme des scènes d’opéra où les décors glissent, où seuls la partition et les éclairages diffèrent. Car il s’agit toujours des mêmes personnages, des mêmes questionnements, des mêmes fractures. Dans Murena, les chars romains remplacent les dromadaires de Croisade, mais le chemin parcouru reste le même.

N’éprouvez-vous pas de lassitude, si vous vous répétez ainsi au fil des albums ?

Non, car les costumes ou la façon de parler des héros sont différents. Aujourd’hui, je suis sûr de ma technique. Cela va paraître prétentieux, mais je sais que le talent est là. Alors, pour éviter le confort, je travaille avec de jeunes auteurs qui m’interpellent. Je me suis ouvert sur le monde : j’ai un projet avec un Français installé aux États-Unis, un autre avec un dessinateur chinois de Hong-Kong, Li Chi-Tak. Nous préparons une histoire très violente de 200 pages, qui devrait paraître en 2010 chez Kana.

Quelles sont vos préférées parmi vos séries actuelles ?

Les plus fragiles et chétives. Les bébés bien ronds n’ont pas besoin de leurs parents pour devenir des adolescents en pleine forme ! J’apprécie donc plus particulièrement Dixie Road, Double Masque ou Les Rochester, qui ne marchent pas comme je l’aurais espéré. Mais je ne cherche pas de coupable : c’est la faute au manque de chance, à des paramètres que je ne maîtrise pas. Comme Aragon, je n’ai pas de goût pour l’autocritique !

Quels sont vos projets ?

Terminer mes grands chantiers, comme Murena ou Djinn. Rester ouvert à des rencontres surprenantes. Et m’atteler à l’écriture de romans. Certains sujets, comme l’humour ou la politique, ne passent pas par l’image. J’ai beaucoup travaillé pour elle, il est temps que je revienne aux mots.

Propos recueillis par Laurence Le Saux

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Croisade #2 par Philippe Xavier et Jean Dufaux. Le Lombard, 13 €.
La Complainte
des Landes Perdues
cycle 2, tome 2 par Philippe Delaby et Jean Dufaux.
Dargaud, 13 €, le 24 octobre.
Djinn #8
par Ana Mirallès et Jean Dufaux. Dargaud, Le 21 novembre, 11,50 €.
Double Masque #4
par Jamar et Jean Dufaux. Dargaud, le 7 novembre, 11,50 €.

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Photo © Catherine Lambermont / images © Dargaud

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