L’Étrange Créature du Lac Noir vit toujours



Sur le papier, adapter en BD la Créature du lac noir, on était plutôt pour. Avec ses yeux globuleux, ses griffes acérées, sa forme dans l’eau, olympique, elle est l’un des figures les plus attachantes des monstres Universal, ce club des affreux initié au cinéma par le studio à partir des années 1930. L’éditeur Skybound a demandé à des auteurs en vue de moderniser ses membres : Dracula, le monstre de Frankenstein, la Momie et dans le cas qui nous intéresse, ce sont Dan Watters (The One Hand and the Six Fingers) et Ram V (Laïla Starr, Le Dernier Festin de Rubin) qui s’y collent pour donner un petit coup de jeune à la Creatch’.
Direction le Pérou de nos jours donc. Kate Marsden, une Américaine, y débarque sur la piste d’un tueur en série en cavale nommé Collier, qui a noyé 7 personnes. On comprend qu’elle a elle-même réchappé à une tentative de lui faire boire la tasse définitivement. Au fil de son enquête, elle entend parler d’une créature aquatique issue du folklore local et croise un scientifique persuadé de savoir où la trouver. Tout cela nous mènera bien sûr au fameux lac noir où a trouvé refuge Collier, d’où opèrent des narcotrafiquants et où se terre l’homme-poisson des légendes.
Cela fait un peu beaucoup, et en même temps, le matériau source ne faisait sans doute pas assez. Le film original est un délice d’épouvante exotique vintage, un ballet nautique envoûtant entre les algues des eaux saumâtres du black lagoon, élégamment chorégraphié par le nageur Ricou Browning dans le costume en caoutchouc de la créature… Atmosphère que retranscrit plutôt bien Matthew Roberts au dessin. Mais le long-métrage de Jack Arnold n’était pas à son meilleur dès que la créature regagnait la berge, perdant sérieusement de sa superbe en se révélant dans toute sa rigidité et sa pauvreté dramatique. Pas grand-chose à tirer de ce dadais à écailles qui ne sait que stalker les jolies femmes, et Dan Watters et Ram V auraient pu trouver mieux que le vrai méchant qu’ils se sont sentis obligés d’ajouter pour corser les choses. Certains choix narratifs le concernant, qu’on ne révèlera pas ici, sont embarrassants. Et les préoccupations écologiques saupoudrées ici et là, purement opportunistes. Mais ce qui joue in fine le plus contre ce revival dispensable d’une figure classique de l’horreur, c’est que cette dernière a inspiré son lot d’imitateurs de meilleure facture. Ce n’est pas Ram V qui dira le contraire, lui qui a déjà écrit sur Swamp Thing. Qui a besoin de savoir que la Créature du Lac Noir « vit toujours » dans un paysage comics où l’autrement plus intéressante Créature du Marais vit déjà et prospère depuis 50 ans ?
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