Leumonde.fr
Antoine Marchalot, pilier de la revue et des éditions Arbitraire, auteur des remarqués Une vie de famille agréable et Histoires croûtes (Les Requins Marteaux, sélectionné à Angoulême 2017), publie un gigantesque recueil des strips de Leumonde. Lancé comme subrepticement en plein novembre pluvieux de 2015, ce blog hébergé par le respecté quotidien français donnait à voir chaque dimanche un strip furieux sur l’actualité, basé sur un titre du journal et sa photo d’illustration. Repassant par dessus l’image et le texte, surjouant l’aspect canin de telle politique servile, ou faisant exploser Manuel Valls en furie meurtrière, il donnait là une preuve que la BD et le dessin politique pouvaient être originaux et réellement irrévérencieux.
En surlignant l’absurde par l’absurde, Antoine Marchalot faisait ressortir toutes les réelles pensées du crépuscule du hollandisme (qui semble avoir duré tout le quinquennat) à la sur-communication permanente du pseudo « nouveau monde » macronien. Comme dans toutes BD d’actualité certaines choses paraîtront forcément datées . Ne serait-ce que les personnages : qui se souvient encore de Michel Sapin ? Mais cela est assez anecdotique, car après tout, il est fort probable que même au moment où les strips étaient réalisés, une part des lecteurs ignoraient déjà son existence… La titraille et les chapeaux permettent de replacer les choses et de donner un contexte, intelligent procédé qui fait sans doute que ces bandes très ancrées dans un instant vieilliront sans doute mieux que beaucoup de titres du même genre.
En août 2018, Marchalot a fermé le ban. Clap de fin pour Leumonde, qui reste en ligne mais dont l’absence crée un manque durable. Arbitraire a heureusement su quoi faire et a lancé la production d’un ouvrage au format aberrant de 38 x 29 cm, ce qui est cependant sans doute encore trop petit pour représenter la réalité de l’immense tête de Macron qui l’envahit. En haut à droite, rageant de s’être encore fait voler la place, un petit Valls fulminant près d’une pseudo-citation : « Je veux incarner la gauche comme un ongle. »
Un exemple parmi d’autres des géniales fulgurances de l’auteur qui a réuni ici les 116 strips, en ajoutant d’autres, et notamment de nombreux mini-textes et dessins. En effet, publiés en ligne les strips ne se posaient pas la question du format et n’ont pas tous la même longueur : il a donc bouché les trous ici où là, une excellente nouvelle pour enfin retrouver notre Marchalot hebdomadaire. Et nous rappeler combien sont précieux ceux qui parviennent à trouver de la drôlerie dans un tel flux médiatique.
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Si j’en crois les illustrations données en exemple, ça a l’air d’une BD avec un parti pris politique fort, apparemment à droite ? Je pense à la diabolisation des grèves. Ou alors c’est parce que c’est une illustration partielle ? Si c’est ça je passe mon tour.
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Merci de préciser, j’avais bien compris que cette BD était humoristique. Mais vous avez raison on ne sait jamais.
En tout cas merci d’avoir choisi ce passage : ça permet d’avoir une bonne idée de l’humour qui va être développé dans cette BD, et donc d’éviter les frais inutiles, si on tend à penser que la grève est un droit et que les gens qui perdent de l’argent pour protester ont sans doute de bonne raison de le faire. -
Maël Rannou, merci d’apporter cette précision. L’illustration choisie par la revue Bodoï, reproduite en dehors d’une contextualisation suffisante, paraît attaquer les grévistes, et, dans la France de 2019, ça paraît de parti pris.
D’autant que l’article indique que la BD vient d’un blog publié par Le Monde :/ ce qui n’est pas pour rassurer.
Quand on voit quel type d’illustrateur Le Monde met en avant ces temps-ci dans ces blogs, la méfiance est légitime. Je pense à Xavier Gorce, et ses pingouins :
http://xaviergorce.blog.lemonde.fr/2019/04/22/pseudopresse/[Je mets l’adresse à copier-coller dans la barre d’adresse, en raison de l’impossibilité de mettre un lien propre sur l’espace commentaire, donc je fais ça à l’ancienne]
= si on lit l’article, on a une indication qui, clairement, laisse supposer que la BD condamne le droit de grève et les gens qui sont contraints d’y avoir recours, surtout si on met en rapport la mention « blog d’un journal anciennement de référence devenu pire que Le Figaro » + l’illustration.
Si le but est de donner envie à d’autres que des réactionnaires de lire l’ouvrage, une autre illustration aurait été plus heureuse à mon avis.
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